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La finance contre l'économie : la prise d'otages du siècle

Comment le monde de la finance est-il parvenu, au cours de ces quarante dernières années, à prendre le pouvoir dans les entreprises ? Comment a-t-il même fini par prendre l’ascendant sur les politiques publiques ? Frédéric Farah retrace l’histoire d’un hold-up aux conséquences désastreuses pour les peuples.

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Le 15 août 1971, le président américain Richard Nixon annonçait la fin du système monétaire international de Bretton Woods, qui avait été instauré lors de la conférence du même nom en 1944 et reposait sur le principe des changes fixes et de la convertibilité du dollar en or. Cette décision marqua l’entrée dans une nouvelle ère, où les capitaux allaient retrouver la liberté qu’ils avaient perdue un quart de siècle plus tôt. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, en effet, la finance avait été considérée comme fautive des errements des années 1930, et les dirigeants des pays occidentaux optèrent pour des objectifs économiques d’équilibre interne, à savoir de plein-emploi et de croissance. Dans le cas de la France, le financement des besoins de l’État put, grâce au système de Bretton Woods, s’affranchir des marchés financiers et emprunter un instrument de planification politico-économique appelé « circuit du Trésor ». Cette période de « répression financière », pour reprendre les termes de l’économiste américain Ronald McKinnon, ne fut perturbée par aucune crise majeure : pas de crise de change, de crise bancaire, de crise boursière ou de crise des dettes souveraines. L’expansion économique était alors régulière, soutenue dans la plupart des pays développés à économie de marché, dont les politiques de stop and go permettaient d’alterner des phases de reprise et de rigueur quand cela était nécessaire. La fin du système de Bretton Woods, couplée au ralentissement des gains de productivité, au renchérissement des matières premières et à la crise pétrolière de 1973, a ouvert la voie vers un autre monde, où les conceptions économiques classiques ont été réhabilitées et avec elles, les marchés financiers et leurs supposées capacités à l’autorégulation. Ce qui a été nommé « seconde mondialisation » a en réalité été une financiarisation de l’économie à large échelle, dont les effets se font terriblement ressentir...