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Christophe Guilluy : « Emmanuel Macron incarne la société du "no limit" face à celle de la majorité ordinaire »

LE « SEPTENNAT » DE MACRON / ENTRETIEN. Après sept années au pouvoir, quel bilan pour Emmanuel Macron ? Alors qu’il souhaitait en 2022 le rétablissement du septennat, avant de se dédire et d’estimer qu’il s’agirait d’une « funeste connerie », Front Populaire a interrogé plusieurs experts pour analyser son « septennat ». Pour le géographe Christophe Guilluy, auteur de Les Dépossédés - L’instinct de survie des classes populaires (Flammarion), l’autonomisation des gens ordinaires ne fait que s’amplifier depuis le mouvement des Gilets jaunes. N’en déplaise à Emmanuel Macron, dont la société du « no limit » n'en finit pas de se fissurer.

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Emmanuel Macron lors d'un « grand débat national » organisé à Étang-sur-Arroux, le 7 févruer 2019. en réponse au mouvement des GIlets jaunes.Crédits illustration : © Liewig Christian-POOL/SIPA


Front Populaire : Le premier quinquennat d’Emmanuel Macron a été marqué par l’émergence des Gilets jaunes, cette manifestation des gens ordinaires, de la « France périphérique » qui a pris corps pour tenter d’influer, politiquement, sur leur destin collectif. Six ans après, les choses se sont-elles au moins un peu arrangées ? Où en sommes-nous ?

Christophe Guilluy : Les Gilets jaunes ont été l’un des multiples coups de boutoir du mouvement réel de la société à l’œuvre depuis une vingtaine d’années. Ce mouvement se poursuit et il est porté par quelque chose de fondamental pour moi, c’est l’autonomisation de la société populaire vis-à-vis du monde d'en haut. Qu’on le veuille ou non, débat ou non, agacement du pouvoir ou non, analyse intellectuelle ou non, ce mouvement continue à avancer, à s’autonomiser.

La bonne nouvelle, c’est que ces mouvements sont récurrents, on le voit bien : les bonnets rouges, les Gilets jaunes, les agriculteurs et demain d’autres catégories. Ce qui est vraiment frappant, c’est qu'au moment où on nous explique que tout est fichu, que les gens sont manipulés, manipulables, etc., ces gens ordinaires nous montrent qu’ils ne sont ni programmables ni manipulables à souhait. Je crois que cette forme d’autonomisation fait que ce mouvement ira à son terme. C’est ce que j’appelle dans mon dernier livre « l’instinct de survie des classes populaires », de la majorité ordinaire, tout simplement. Et cet instinct est, pour le pouvoir, totalement incompréhensible.

Cette autonomisation désormais, elle est sociale, elle est culturelle, elle est politique. Elle ne s’arrêtera pas et c’est une très bonne nouvelle.


FP : Aucune des causes profondes de la mobilisation n’a été adressée depuis ?

CG : Bien sûr que non. On voit bien que la contestation porte sur l’essentiel, c’est-à-dire le modèle économique, le modèle sociétal, le modèle culturel, qui est en train de se fissurer tranquillement, mais pour...

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