POÉSIE. Lamartine, Baudelaire et Rostand sont ses modèles. Triste de la chute du niveau de la poésie en France, Frézal nous écrit : « Le français est la langue de l'alexandrin, nous étions le peuple qui mettait sa bouche au service des Dieux (selon l'antique perception des poètes), je suis fier de cet héritage ».
LES MOUETTES DE LA SEINE
Dans le tranchant blanc déboussolé de l'Eiffel
Comme une lame aiguisée découpant le ciel,
Dans la nuit fraîchement tombée sur les nuages
Comme on replonge dans un souvenir volage,
Virevoltent les pétales blancs parisiens
Sortant soudainement de la Lun(e), leur écrin.
Sans aucun bruit ni aucune harmonie surviennent-
Elles. Ainsi vont, volantes, les mouettes de la Seine.
05/12/18
SOUFFLE GREC
Oh don divin des mots ! Ils aiguisent l'esprit,
Ils déchirent les cœurs et fendent les sourires.
Élevant l'âme, en un instant, par leur magie,
On déguste la compagnie d'Hékatonchires.
Mais voilà que les Heures passent, les Parques filent
Et Dionysos m'abreuve plus que l'Hippocrène.
L'inspiration m'échappe et reste volatile
Sans qu'aucune passion ne coule en mes veines.
Où sont Melpomène, Erato et Calliope ?
Chaque jour, les cherche sur le Mont Hélicon
En cette nuit j'aimerais être nyctalope
Mais mon esprit, ce jour, de vers est infécond.
(23/12/18)
LE ROI DE ROME
Au son de cent-un coups de canonnière naît
L'Autrichien qui rêva toujours d'être corse.
Coiffé sitôt au premier cri qu'il amorce
De lauriers, d'une auréole au dernier.
Arrivé en ce monde dans l'effervescence
Pour le quitter malheureux dans l'oubli des Francs,
Trop sage et pas assez français, le cœur errant,
D'être un fils et non un Père fût son destin rance.
Il fut avorté avant même d'être prince,
Duc plutôt qu'Empereur, jusqu'à son dernier souffle
L'histoire décida de se railler d'esbroufes
D'un Habsbourg et Bonaparte qu'elle évince.
05/04/19
LES NUAGES I
Ce sont des masses voluptueuses et grandioses
Que le soleil, de ses rayons, rend de platine
Et que la nuit éteint ou tue, vincibles choses
Qui passent et crèvent sur nos misérables mines.
Cependant, suspendus au-dessus de nos fronts
Nuages légers ou massifs, inatteignables
Vous semblez défier le Temps et lui faire affront
Sans ciller ni trembler à ses coups effroyables.
Ô onctueuses et pures poussières d'étoiles
Enfuis de l'éther pour arriver dans nos cieux
J'aimerais rejoindre vos navires sans voiles
Pour, rien qu'un instant, tromper la mort dans les yeux,
Pour inonder mon âme de vos larmes claires
Pour que mon cœur apaisé ait la volupté
De vos carcasses de fantômes sans repères,
Pour voler l'essence de votre éternité.
08/06/2019
LA BELLE OPALE
Ô mon pâle amour de mes errances nocturnes,
De combien avant moi as-tu été la muse,
Toi qui brilles toujours dans la nuit taciturne
Et de mes solitudes mondaines s’amuse ?
Tout le monde ne parle que de toi et t'observes
Mais quand je te cherche tu me restes fidèle
Tu m'élèves à tes cimes et m'inspire ta verve
Pour dessiner des vers dont tu es le modèle.
Quand tu sonnes le sommeil de toutes les bêtes
Je suis de celles que tu libères et réveilles
Mon génie et mes plus beaux mots pour toi s'apprêtent
Mais je troquerai ta clarté pour mon vermeil.
Tu m'offres le soir venu ton anesthésie
Remplissant mon verre de tes larmes d'ivoire,
Gouttes invisibles suintant dans l'ambroisie
Qui m'enivrent dans cet étrange purgatoire.
Quand mes pages se font miroir de ta pâleur
Je préfère te prier plutôt qu'Apollon
Toi qui souffles des notes quand ma lyre meure,
Lui évitant la dure étreinte de Charon.
Lorsque derrière les nuages tu te caches
Ou que, loin de notre astre, avec d'autres, t'enfuis,
Invisible, disparue, ton absence arrache
Mes rêves à leurs froides et silencieuses nuits.
J'aimerais avoir l'esprit fin de Cyrano
Pour rejoindre aux confins ton auréole pure
Me laisser bercer et emporter par les eaux
Et goûter au silence par-delà l'azur.
Je me grille les pupilles te fixant droit,
Appelé le soir par ton rassurant vortex,
Rêvant d'un asile où mon âme aurait moins froid,
Et où mon cœur ne serait pas comme un silex.
13/06/2019
LE PHARE
Au cœur de la ville brillante et palpitante
Nous sommes deux astres rayonnants qui passons
Entre les étoiles des lampes élégantes
Qui s'allument pour voir nos pérégrinations.
Et comme on est enivrés, et comme on est fous,
Parce qu'on fait briller l'autre sans voir le monde,
La ville nous éblouit de ses feux jaloux
Tentant de nous rappeler qu'elle existe et gronde.
Mais quand on est ensemble je ne peux voir qu'elle
Le monde pourrait brûler que je ne verrais
Que ses yeux d'eau claire qui me donne des ailes
Et m'élèvent au-dessus de mes peurs désertées.
Si tout s'embrase c'est que l'on s'est embrassé,
D'amour volcanique nous brûlons les secondes,
Elle a fait irruption en mon âme esseulé
Et comme nos cœurs fondent nos corps se confondent.
Quand je suis loin d'elle sur moi la nuit s'écroule
Tout devient affreusement sombre et lancinant
Seules mes larmes brillent lorsqu'elles s'écoulent
Et en mon cœur plus rien ne se fait scintillant.
Séparé de la douce étoile qui me guide
Je suis comme un roc insipide dans l'éther,
Mes jours froids sont sans soleil et mon âme vide
Et rien désormais ne me raccroche à la terre.
Alors pour m'accrocher à ce sol, à ces cieux
Je me remémore les traits de ma Vénus
De sa voix qui me berce quand je clos les yeux
De ses mains caressant mes songes tel Phébus.
16/07/2019
SAINT-VAAST LA NUIT
Avant que l'aube ne chasse le crépuscule,
Au pieds des mâts squelettiques et vacillants
Et des coques qui forment un long monticule
Harcelé par des eaux insensibles au vent,
Une fois que les mouettes ont cessés leur danse
Aérienne et chantante, leurs cris cahotants
Qu'accompagnent des cliquetis qui se balancent
Comme les chaînes de condamnés titubants,
Près de carcasses de navires délavés
Par le sel et l'acide et la rouille rongés,
Bordant les murs épais qui taisent leurs histoires,
Ici, sur une eau sans rides et sans remous,
Sur une onde apaisée qui berce nos cœurs souls
Se prélassent les nuages roses du soir.
09/09/2019