Qu’est-ce qui caractérise la philosophie française, quand on la compare aux philosophies étrangères, et plus particulièrement peut-être à la philosophie allemande ? Sans doute d’abord et avant tout la clarté, qui va de pair avec le bon sens. Ce fil rouge permet de proposer un rapide panorama des auteurs qui ont marqué la pensée hexagonale, jusqu’à en définir le génie.
Il y eut un temps où l’on pouvait, sans craindre le bûcher, parler de l’esprit des peuples. C’était une époque où l’on ne prenait pas pour sotte l’idée que la géologie et la géographie, le climat aussi, fonctionnaient en conditions de possibilité d’une pensée, d’une sensibilité, d’un caractère, d’un tempérament, d’un style — qu’on songe au Montesquieu De l’esprit des lois (1748).
Jadis, dans son Anthropologie d’un point de vue pragmatique (1798), Kant pouvait entretenir du caractère des peuples ; puis Taine proposer, dans sa Philosophie de l’art (1865), de construire toute une esthétique en dissertant sur le sol, le climat et, horresco referens, la race.
Au XXe siècle, Keyserling peut encore publier une Analyse spectrale de l’Europe (1931)...
S’il y a bien une activité sociale qui fut portée au pinacle dans l’histoire française, c’est la conversation. Chez nous, à partir du XVIIe siècle, elle désigne la qualité de tout homme bien né, capable de parler avec grâce, finesse et amabilité. En toute chose, le Français aime séduire. Ce qui paraît de prime abord superficiel est amené dans notre tradition nationale jusqu’à un point de perfection qui en fait un authentique patrimoine culturel. La langue n’est plus alors un vulgaire outil destiné à la communication, elle devient une manière d’être.
Comment définir le génie français ? Qu’est-ce qui donne à la France cette singularité grâce à laquelle sa culture ne peut être confondue avec aucune autre ? Peut-être le goût de l’incarnation, et ainsi l’amour des sens en tant qu’ils définissent concrètement le sens de ce que nous faisons. Même dans sa philosophie, sa peinture ou sa musique, notre pays n’a jamais renoncé aux plaisirs ni ne s’est laissé écraser par les concepts abstraits. Sa civilisation est d’abord un art de vivre.
L’histoire de France ne s’écrit pas qu’au masculin car notre passé national a aussi été façonné par d’innombrables femmes d’exception, dont le courage a illuminé le pays, avant qu’un voile d’ingratitude ne vienne, trop souvent, rejeter leur souvenir dans l’oubli. Ces quelques portraits tentent, à leur manière, de réparer les injustices de notre mémoire officielle.