Monde Ouvrier

Fils de prolétaire

TEMOIGNAGE. Le récit d’un abonné, en forme d’autoportrait pour rendre hommage à ses ascendants et plus généralement au monde ouvrier.

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Je suis né dans la campagne dauphinoise, venu au monde peut être par hasard, mon père l’andalou voulait aller travailler en Allemagne, il avait vingt-et-un ans, ma mère pas encore vingt. J’apparaissais dans un milieu simple, où les ouvriers et les paysans se côtoient, où l’on ne vit qu’avec la force de ses bras, de son corps. Je percevais des sons étranges, comme des cris parfois venus de ces adultes épuisés et assommés par l’alcool pour tenir...

Très jeune, la dizaine d’années, on m’a fait participer aux travaux manuels : bêchage, ciment, soulever des sacs de ciment, arracher, planter, porter, et je sentais des douleurs dans tout mon petit corps. Mais voilà c’était comme ça, mon père ne voyait que l’homme en moi puisqu'il travaillait déjà à l’âge de dix ans en Espagne et donnait le peu qu’il avait à son père. Cette misère n’en était pas vraiment une, le travail physique rendait digne de respect. Quand j’accompagnais mon père au PMU, il était fier de présenter son fils mais moi je voyais des hommes pleins d’alcool, fumant et je percevais leurs fragilités de prolétaires. Parfois, une femme traînait là, perdue, et cette scène me faisait penser au tableau de Van Gogh : « Le café de nuit ».

A l’école, je découvrais un autre monde, celui de l’écriture, de la plume et de l’encre, du buvard, du livre de lecture, du dessin qui me fit entrer dans un univers fabuleux. Ce plaisir de lire et d’écrire, de dessiner m’emplissait de joie, presque à l’ivresse sans souffrances, une délectation de l’esprit malgré la rudesse des instituteurs. J’apprenais et me grandissais devant des tableaux de conjugaison ou une représentation de Vercingétorix. Tout ce savoir me transportait et je devenais un bon élève, dans les premiers de la classe et même premier (quelle...