Le clivage droite/gauche est-il totalement révolu? Cette dialectique fondamentale, qui a irrigué notre vie politique pendant au moins deux siècles, a-t-elle été tarie par le catéchisme du "en même temps" ? Rien n'est moins sûr. Un numéro pour jeter un regard différent sur la campagne présidentielle, avec au sommaire des penseurs de gauche comme de droite : Michel Onfray, Céline Pina, Jacques Sapir, Marcel Gauchet, Henri Pena-Ruiz, Alain de Benoist...
Le drame qui continue de se jouer dans le Caucase et qui voit l'Arménie, bastion chrétien en terre d'Islam, prise en tenaille par l'alliance turco-azérie augure du drame civilisationnel qui attend la France si rien n'est fait. L'édito de Stéphane Simon.
ENTRETIEN. À l’occasion de la sortie de son livre La Droite et la Gauche. Histoire et destin (coll. Le Débat, éd. Gallimard), le père du concept de « fracture sociale » revient sur l’histoire, plus complexe qu’on ne le croit, de la bipolarisation de la vie politique française, et précise sa propre position par rapport au clivage qui se fait jour à présent, entre mondialisme et souverainisme.
Dans un pays où les élus ne portent aucune vision de l’avenir et n’ont qu’une approche juridico-comptable de la vie publique, il n’est pas étonnant que la démocratie soit en panne, que le clivage droite/gauche soit en berne et que les citoyens se sentent dépossédés de leur souveraineté.
Être maître chez soi pour avoir les moyens d'y mener une politique sociale. Tel est aujourd’hui l’un des enjeux majeurs de la reconquête de la souveraineté, à rebours d’une mondialisation néolibérale qui brise les nations pour imposer la dérégulation capitaliste. En assumant clairement ce combat, la gauche ne renierait pas sa boussole internationaliste.
Partisan d’une approche historique des idées politiques, Arnaud Imatz montre, à l'appui d'innombrables exemples, que le prisme droite/gauche est loin d'être toujours pertinent pour comprendre les doctrines et les mouvements qui ont façonné la France depuis deux siècles.
ENTRETIEN. À force de sonder les Français, Jérôme Sainte-Marie s’est forgé une conviction : la polarisation politique traditionnelle droite-gauche a été remplacée par un clivage d’un autre type, qui oppose « bloc populaire » et « bloc élitaire ».
Si le concept d'identité (somme toute récent en politique) fait florès à droite, une certaine gauche, certes minoritaire, n’en a pas pour autant perdu le sens de la nation. Et que dire de la gauche “sociétale” qui, quoi qu’elle en dise, a le culte de l'identité… de l'identité communautaire ?
Comme l’a magistralement démontré Jean-Claude Michéa, il a fallu attendre l’affaire Dreyfus pour que le socialisme, qui s’était construit tout au long du XIXe siècle en dehors du clivage droite-gauche, pactise avec le camp progressiste. Mais cette union est-elle indissoluble ?
ENTRETIEN. Alors que la vie politique française a connu pendant deux siècles un glissement vers des idées et des formations toujours plus à gauche (phénomène appelé « sinistrisme » par Albert Thibaudet en 1932), l’auteur de La Guerre à droite aura bien lieu (éd. Desclée de Brouwer) se demande si nous ne vivons pas à présent un mouvement opposé, qu’il qualifie de « dextrogyre ».
Pour Arnaud Teyssier, la question sociale a été une préoccupation du général de Gaulle tout au long de sa vie politique, et Philippe Séguin fut sans doute le dernier homme d’État à l’avoir compris.
« La France, c’est tout à la fois, c’est tous les Français ; ce n’est pas la gauche, la France ; ce n’est pas la droite, la France », déclarait le général de Gaulle en 1965 au micro de Michel Droit. Roland Hureaux montre en quoi cette formule n'a rien d'anodin et définit le positionnement politique de toute une vie.
Chacun à sa manière, le Parti socialiste, La France insoumise et Europe Écologie les Verts prétendent concilier le social et l’écologie. Si ces projets sont louables, David Cayla montre que, faute d’avoir identifié et surmonté quatre contradictions majeures, ils sont illusoires.
Pour Régis de Castelnau, le parti de Léon Blum, Guy Mollet, François Mitterrand, Lionel Jospin et François Hollande a systématiquement tourné le dos, une fois parvenu au pouvoir, à ses idéaux de gauche.
Olivier Dard nous met en garde contre la tentation de plaquer les schémas de l’entre-deux-guerres sur la vie politique actuelle. Même s’il ne s’interdit pas de noter quelques ressemblances…
Malgré le sérieux discrédit jeté sur le système représentatif actuel, l’inconscient collectif continue de voir la gauche au plus près des démunis au nom de la justice sociale, alors que la droite représenterait le monde de l’argent et de la sécurité. Pour Jérémy-Marie Pichon, le catholicisme social peut faire figure de troisième voie et nous aider à surmonter une telle simplification.
Au cours du XXe siècle, la plupart des auteurs qui ont voulu « dépasser » le clivage gauche-droite traditionnel se sont à un moment ou un autre réclamés du Cercle Proudhon, un cénacle lancé à la veille de la Première Guerre mondiale par deux hommes bien différents : Édouard Berth et Georges Valois, l’un et l’autre oubliés aujourd’hui.
Si Pierre Bourdieu (1930-2002) était assurément un homme de gauche, on aurait tort de le dépeindre en esprit militant prêt à toutes les radicalités. Henri de Monvallier, qui vient de publier avec Pierre Desanti L'Effet Bourdieu : dialogue sur une sociologie libératrice (éd. Connaissances et Savoirs, 2021), tord le cou à une légende tenace.
Parmi les différents mouvements royalistes français, la Nouvelle Action royaliste (NAR) fait figure d'exception. Depuis sa création il y a cinquante ans, elle a en effet appelé à voter pour des candidats de gauche comme François Mitterrand, Jean-Pierre Chevènement ou François Hollande. Son fondateur explique cet étonnant paradoxe.
Au lendemain de l’annonce de sa candidature aux prochaines élections présidentielles, le président de République souveraine a rédigé ce texte à destination de l’un de ses vieux amis rencontré à l’armée.
ENTRETIEN. Pour Vincent Coussedière, le succès des mouvements populistes s’explique principalement par l’inquiétude que nombre de nos contemporains ressentent devant la menace d’une décomposition pure et simple de leur pays. Une peur qui n’est ni de gauche ni de droite.
Fin connaisseur du monde russe, Jacques Sapir identifie plusieurs périodes dans le règne du maître du Kremlin, dont il n’hésite pas à reconnaître une certaine ressemblance avec le général de Gaulle, mais aussi quelques manquements en matière démocratique.
La gauche et la droite : toute une histoire ! Ce clivage vieux de plus de deux siècles est, comme le rappelle Marcel Gauchet, « une de ces créations françaises qui ont fait le tour du monde », et dont nous continuons d’hériter, sous des formes multiples. En ces moments turbulents d’élection présidentielle, à mesure qu’approche l’heure du scrutin, chacun se voit sommé de choisir son camp. Heureux et lucide Raymond Aron, qui pouvait, sans être ridicule, se dire hémiplégique ! Cela dit, « être de gauche » et « être de droite », sont des formules qui règlent encore en profondeur notre vie politique, sociale et culturelle.
ANAGRAMME : n. f. du grec anagramma, renversement de lettres. Dans son journal de l’anagramme, l’écrivain Jacques Perry-Salkow, amoureux de la langue française, digne héritier de Georges Perec, nous propose de déconstruire les mots de l’actualité et de les reconstruire pour en révéler leur sens caché. Un exercice aussi difficile que jubilatoire.