F.P. : L’IA et les algorithmes s’intègrent chaque jour un peu plus à nos actions. Des applications nous proposent un choix de restaurants, un choix de trajets, un choix de films, ce qui suppose un préchoix arbitraire. Abdiquons-nous une partie de notre libre arbitre ?

Franz-Olivier Giesbert : Absolument pas. C’est clairement l’un des aspects positifs de l’IA et des algorithmes. Ils nous proposent, nous disposons. Si on n’aime pas leurs choix, on peut toujours aller chercher ces informations-là dans la presse écrite ou sur ses sites qui font très bien ce type de travail. Là-dessus, il n’y a rien à redire. De la même façon, vous pouvez demander à l’IA de résumer une discussion comme vous pouviez le demander auparavant à un assistant : si ça ne vous plaît pas, rien ne vous empêche de le faire vous-même ! Mais l’IA n’étant pas, par définition, humaine, elle ne peut nous apporter que du programmé, de l’industriel, du précuit. Comme le dit le grand neurologue Lionel Naccache, elle est (pour l’instant en tout cas !) incapable de nous surprendre avec de « l’inattendu ».

F.P. : ChatGPT est entré dans nos vies par effraction et de plus en plus de gens l’utilisent dans leur vie professionnelle et privée. On peut théoriquement avoir un rapport critique et rationnel à ce type d’outil mais le risque de le transformer, dans les faits, en nouvel oracle diseur de vérité, n’est-il pas réel ?

Franz-Olivier Giesbert : À nous de ne pas nous laisser dominer et manipuler. Dans l’Histoire, tout ce qui se présentait comme un outil de libération a pu, par son succès, se transformer en chaînes, en prisons mentales. L’esprit critique, dont on est en droit de se demander si ce n’est pas une invention française, me semblait en perte de vitesse ces dernières années, avant même l’entrée de l’IA dans nos vies...