« La France du XXIe siècle est redevenue une société d’héritiers. » C’est le constat de Mélanie Plouviez, maîtresse de conférences en philosophie sociale et politique à l’Université Côte d’Azur, dans son ouvrage L’Injustice en héritage. Repenser la transmission du patrimoine (éd. La Découverte, 2025). Le patrimoine des Français proviendrait davantage de l’héritage que du travail, à l’image de ce qu’on observait au XIXe siècle. À l’époque, les chances de faire fortune étaient moins liées au mérite personnel dans le travail qu’au jeu des hasards généalogiques. De Maupassant à Balzac, la littérature a fait des querelles d’héritage une toile de fond récurrente. Déjà, celui-ci apparaissait comme la seule option pour accéder aux plus hautes sphères de la société. En effet, à la toute fin du XIXe siècle, la révolution industrielle offrait des opportunités nouvelles : les 1 % des emplois les mieux rémunérés avaient dépassé les 1 % des héritages les plus élevés. Au XXe siècle, c’est le travail qui payait, la Première Guerre mondiale et les diverses dévaluations punissant les rentiers. Cette tendance a été renforcée par la Seconde Guerre mondiale et les Trente Glorieuses. Les pôles se renversent à nouveau : nous revenons aux conditions du XIXe siècle. D’après une étude datant de 2021 du Conseil d’analyse économique (CAE), un groupe de réflexion dépendant de Matignon, la part de la fortune héritée dans le patrimoine total représente désormais 60 % contre 35 % au début des années 1970. Autre donnée éclairante : la somme des transmissions patrimoniales en France représentait 5 % du revenu national en 1950 contre 15 % aujourd’hui. L’enrichissement rapide et important des classes moyennes et supérieures durant les Trente Glorieuses et plus généralement dans la deuxième moitié du XXe siècle a remis la question de l’héritage sur la table, d’autant qu’avec la disparition progressive de la génération des baby-boomers...