F.P. : Vous avez tous les deux en commun de regarder loin dans le passé pour essayer de conjecturer l’avenir. Un sport qui compte de moins en moins de licenciés, dans le monde intellectuel et plus encore dans le monde politique. Comment expliquez-vous ce dédain pour l’histoire longue ?    

Éric Zemmour : Avant tout par ignorance. L’histoire a peu à peu été marginalisée dans les programmes scolaires et à Sciences Po depuis les années 80. Et puis par mépris d’expert : nous sommes gouvernés par des technocrates et des communicants qui croient que leurs « outils » sont seuls utiles et efficaces pour gouverner les peuples. Ils ne connaissent pas la phrase de Churchill qui répondit à un jeune étudiant américain qui lui demandait « les clefs pour bien gouverner » : « Apprenez l’histoire. » De Gaulle aurait pu faire la même réponse.

Michel Onfray : Le schéma marxiste qui prévaut aujourd’hui recycle le schéma judéo-chrétien : le monde irait vers le retour du Sauveur sur Terre, ce qui suppose une lecture linéaire de l’Histoire avec orientation de la flèche du temps vers l’accomplissement de la Providence dirait Bossuet, de la Raison et du Concept dirait Hegel, de l’Humanité réconciliée au-delà de ses contractions dirait Marx… de la société créolisée dirait...