F.P. : L’Autre Collaboration explore les racines françaises de l’islamo-gauchisme. On connaît certes votre goût pour la généalogie, au sens nietzschéen, mais pourquoi avoir choisi de remonter ce fil ?

Michel Onfray : Le temps passant, plus de 150 livres plus tard, je m’aperçois que mon travail depuis plus d’un quart de siècle a consisté à démythologiser, à démystifier… J’avais écrit un éloge des cyniques grecs en 1991 et j’ai toujours aimé cette épitaphe de Diogène le Cynique qui disait : « Il dénuda nos chimères. » Je me suis proposé le même programme ! D’où mes flèches contre les trois monothéismes avec le Traité d’athéologie, contre la psychanalyse freudienne avec Le Crépuscule d’une idole, contre la religion sadienne avec La Passion de la méchanceté, contre la gauche maastrichienne avec Théorie de la dictature, contre la domination idéaliste dans l’histoire de la philosophe avec les douze volumes de la Contre-histoire de la philosophie, contre la marchandisation du corps devenu paradoxalement marqueur progressiste dans Le Fétiche et la Marchandise, contre l’idéologie wokiste avec L’Art d’être français. Chacun de ces chantiers obéit à mon projet de déconstruire les folies de l’époque. L’Autre Collaboration s’attaque à un autre mythe : la gauche aurait été résistante et philosémite et la droite collaborationniste et antisémite. Dès lors, notre époque voyant grossir comme une tumeur politique l’antisémitisme à gauche, il m’a semblé nécessaire d’en proposer une analyse afin de montrer qu’il existe une longue tradition d’antisémitisme de gauche en général et, en particulier, que les philosophes emblématiques du XXe siècle ont été des compagnons de route, sinon plus, de cet antisémitisme.

F.P. : Comment expliquez-vous cet amour pour le moins paradoxal entre la gauche, qui s’est historiquement construite contre l’imaginaire théologique, si ce n’est théocratique, et les formes contemporaines de l’islam politique ?

Michel Onfray : Le schéma marxiste d’une révolution effectuée...