L’Union européenne se décrit volontiers comme une puissance économique et technologique de premier plan. De la Stratégie numérique européenne à la Boussole numérique 2030, en passant par le Digital Decade Policy Programme, le Chips Act et le projet Gaia-X, ses institutions multiplient les plans grandiloquents pour faire de l’Europe un acteur numérique majeur. À en croire les discours officiels, l’Union serait à la pointe de l’innovation et en passe d’atteindre ses objectifs de souveraineté technologique et de puissance numérique de dimension mondiale. Les déclarations en ce sens abondent : faire de l’Europe un leader mondial des semi-conducteurs avec 20 % de la production totale d’ici 2030, porter l’adoption de l’intelligence artificielle par les entreprises à 75 %, atteindre un cloud 100 % européen, 100 % de services publics dématérialisés ou encore faire de l’Europe un des leaders mondiaux de l’internet par satellite avec le projet Iris.

Pourtant, derrière ces multiples annonces, la réalité est tout autre : l’Europe est aujourd’hui une simple colonie numérique des grandes puissances que sont les États-Unis et la Chine, et elle risque rapidement de devenir le vassal de l’une ou de l’autre, voire des deux. Cet effondrement n’est pas un simple accident ou la conséquence d’un processus décisionnel complexe à 27 membres, mais le résultat de décisions politiques et économiques qui ont progressivement privé l’Europe de ses capacités industrielles. En effet, là où la Chine et les USA maîtrisent les leviers stratégiques de leur écosystème numérique, l’Union européenne semble avoir abandonné toute ambition industrielle, préférant s’enfermer dans une régulation stérile et une idéologie de la concurrence totalement surannée qui la condamne à l’impuissance. Pendant que les États-Unis et la Chine mettaient en place des méthodes industrielles claires et ambitieuses, reposant notamment sur une réduction des entraves normatives, une industrialisation ou une réindustrialisation massive, une volonté de puissance...