De Gaulle est sans aucun doute le Président le plus littéraire non seulement de la Ve République, mais de toutes les Républiques françaises confondues. Unique chef d’État dont les mémoires sont publiés dans la Bibliothèque de la Pléiade, il est également le seul Président à avoir été proposé au baccalauréat pour l’épreuve de littérature de l’ancienne terminale L. En 2010, le premier tome de ses Mémoires de guerre se trouvait au programme, ce qui avait suscité un certain nombre de polémiques malgré son entrée dans la Pléiade deux ans plus tôt. Enfin, on a appris il y a une dizaine d’années, au moment de la déclassification des archives de l’Académie suédoise, que le fondateur de la Ve République avait été proposé pour le prix Nobel de littérature en 1963 : il faisait partie des nouveaux vingt-deux candidats présents sur la liste des quatre-vingts cités1. Qu’un chef d’État soit sur une liste pour le Nobel de la paix, c’est assez courant, mais pour celui de littérature, c’est beaucoup plus rare. Seul Churchill l’a reçu en 1953. Tout le monde connaît la première phrase d’À la recherche du temps perdu de Proust (« Longtemps, je me suis couché de bonne heure »), comme celle de l’ouverture des Mémoires de guerre : « Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France2 », et se souvient du fameux « La vieillesse est un naufrage », soixante pages plus loin, à propos de Pétain³, une phrase culte reprise et parodiée en son temps par Philippe Muray (« La jeunesse est un naufrage »).

Les rapports entre de Gaulle et la littérature peuvent s’envisager de deux points de vue complémentaires : il y a le de Gaulle lecteur et le de Gaulle écrivain. C’est ce que je voudrais explorer brièvement ici.

La bibliothèque littéraire du général

Il n’est pas question ici de procéder à...