Les tergiversations économiques que Donald Trump impose au monde depuis quelques mois ont mis en évidence un certain malaise, celui des dirigeants européens à se repositionner face à un maître américain qui a renié ses propres dogmes. Au lieu de se demander comment continuer de promouvoir l’atlantisme lorsqu’il est privé de son centre de gravité, ils devraient en profiter pour investir les marchés et en particulier les marchés culturels, nerf de la guerre. En France, le cinéma est susceptible de polariser tous les combats de cet ordre.

Dès les années 1900, le cinéma français disposait des moyens de s’imposer au reste du monde grâce aux studios Pathé et Gaumont. Les deux guerres mondiales auront eu raison de cette suprématie, l’une par la mobilisation des talents à des fins de propagande, l’autre par l’industrialisation écrasante du concurrent américain. Signés en mai 1946, les accords Blum-Byrnes, chaperonnés par l’entremetteur Jean Monnet, ont eu vocation à diminuer une bonne partie de la dette contractée par la France vis-à-vis des États-Unis durant la Seconde Guerre mondiale. Or ces accords comprenaient un très large volet sur la production cinématographique. Dès lors, des quotas considérables de films américains devront être diffusés dans les salles françaises. Il était alors question d’un accord de « libéralisation », ce qui, dans les faits, et comme souvent, ne pouvait être le cas. À partir du moment où sont réunis autour de la table la plus grande puissance mondiale et un pays détruit par une guerre de plus de quatre années sur son sol, l’accord en question était fatalement unilatéral. La réaction française, amorcée avec la création du CNC (Centre national du cinéma) et renforcée par celle du ministère de la Culture sous André Malraux, consistera à déployer notre « exception culturelle », celle du septième art face au show-business. Devant la déferlante de films américains, le recours aux...