Pasolini : cinéaste italien. Synonyme : polémique. L’œuvre prolixe de cet artiste multiforme originaire du Frioul est marquée du sceau de la transgression. Parfois moins connues, ses prises de position anticonformistes à l’encontre des étudiants de 68 n’y dérogent pas. Socialiste contestataire, marxiste hétérodoxe, Pasolini structure sa perception du monde par une analyse classiste. Aussi, à la vue des affrontements entre manifestants étudiants et forces de police, notamment lors de ce qu’on a appelé en Italie la bataille de Valle Giulia – on peut penser, en France, à la photo prise par Gilles Caron le 6 mai 1968, de Cohn-Bendit bravant la police devant la Sorbonne – Pasolini se range symboliquement du côté… de la police.

Dans son poème Le Parti communiste italien aux jeunes ! publié le 16 juin 1968, il accuse les jeunes libertaires d’avoir des gueules de « fils à papa », « le même regard mesquin ». Et le cinéaste d’ajouter : « J’ai passé ma vie à haïr les vieux bourgeois moralistes, et maintenant je dois aussi haïr précocement leurs enfants… La bourgeoisie érige des barricades contre elle-même. » En effet, pour Pasolini, d’un point de vue sociologique, les étudiants dans les rues se révoltent moins contre un pouvoir fasciste supposé que contre leurs propres parents bourgeois. En face des étudiants, contraints de maintenir l’ordre, les policiers incarnent symboliquement le pouvoir, mais sociologiquement, ils sont « fils de pauvres ». Incompréhension relative parmi les pairs. Cette position lui vaut d’ailleurs un certain isolement, notamment au sein du Parti communiste italien (PCI). Comment un communiste pouvait-il s’opposer aussi radicalement à ce qui semblait être à première vue une réaction légitime contre un pouvoir politique aussi délétère que permissif vis-à-vis de cette société de consommation que le poète conspuait par ailleurs ? C’est qu’en effet, loin des prétentions contestataires affichées par les slogans, Pasolini considère que « l’objectif des étudiants n’est...