La Révolution française a créé notre modernité politique. Nul n’en disconvient. Elle invente la démocratie contre la théocratie, la république contre la monarchie, le droit de l’homme contre le droit naturel, le contrat social contre la société naturelle. On lui doit également tout l’attirail jacobin répressif et autoritaire contre l’ancienne organisation féodale qui donnait un pouvoir non négligeable aux parlements provinciaux. Dans le même temps, la France hérite d’un certain nombre de tares politiques qui procèdent de l’État centralisé, de la loi sur les suspects, du tribunal révolutionnaire, du gouvernement par la Terreur, de la religion de la guillotine.

On le dit moins, mais la Révolution française a également inventé ce que la gauche prétend voir comme de funestes inventions de la droite, ou bien encore, parlons le sabir contemporain, de la férocité blanche : l’impérialisme, le colonialisme et la mondialisation.

Certes, on peut remonter au début de l’humanité pour expliquer que, dès que des hommes préhistoriques cherchent à s’emparer du territoire d’une tribu ennemie, ils se trouvent dans une logique semblable et que les mêmes, dans une même époque, qui échangent des pierres semi-précieuses contre des peaux d’ours sont déjà dans le commerce international ! Mais il en va là de guerres armées ou de guerres de marchandises dont il ne viendrait à l’idée de personne de croire qu’elles sont menées pour le bien de l’humanité : l’intérêt guide les actions de ces hommes-là.

Quand « 1492 » permet aux Européens de débarquer aux Amériques, ça n’est pas pour autre chose que des raisons économiques : les capitaines de caravelles n’arrivent pas pour des raisons civilisationnelles, culturelles, mais pour des raisons marchandes ; ils n’abordent pas pour chercher des âmes à baptiser, ça, ce sont les curés embarqués qui s’en soucient, mais du poivre, des épices, des étoffes, des tissus, et surtout, de l’or.

C’est...