Dans la vie professionnelle des choix sont à faire. Ils s’appuient sur des comparaisons souvent chiffrées. Même si la foi nous rassure, une comparaison chiffrée basée sur la raison, permet une meilleure analyse.

La foi doit-elle s’appuyer sur la raison ? C’était l’objet du discours de Ratisbonne de l’ancien pape Benoît XVI. Pour une fois qu’un homme de foi demandait que l’on s’appuie sur la raison, il eut contre lui pas mal d’organisations rationalistes de France ! Je vais malgré tout, concernant l’énergie en France, appuyer ma foi sur la raison avec une analyse très globale et souvent chiffrée.

Où en est-on ?

En reprenant les données des sites d’EDF et du ministère de la transition écologique, concernant des années de 2017 à 2020, on obtient le tableau suivant sur la distribution de l’origine des énergies utilisées en France.

Premier constat : la consommation d’hydrocarbure fossile en direct a une part de 61% dans la consommation totale d’énergie (en gros, les 2/3). L’électricité, produite surtout par EDF n’est finalement que de presque un tiers de l’énergie totale consommée en France. Cette énergie électrique est entièrement décarbonée (hors 4%) grâce au nucléaire et dans une moindre part à l’hydraulique, et n’est que la moitié de l’énergie fournie par les hydrocarbures entièrement « carbonés ».

Donc si l’on veut diminuer l’impact des hydrocarbures qui produisent à eux seuls la totalité du gaz carbonique (CO2), il ne faut pas s’attaquer d’abord à l’électricité à 80% décarbonée, mais à la consommation de ces 61% d’hydrocarbures fossiles.

Le problème

Si l’on veut décarboner, notre énergie il faut remplacer la consommation d’hydrocarbures fossiles par autre chose. Quel est le scénario proposé ? En 2025, dans le schéma suivant, selon la proposition de Nicolas Hulot et de divers partis, on diminue de 50% la part du nucléaire dans la production électrique de 2020. Dès 2035, on propose 20% d’éolien par rapport à la production de nucléaire diminuée, 20% est le maximum technique admis pour ne pas déséquilibrer le réseau électrique.

Pour 2090, dans 70 ans, on prend comme hypothèse que l’on ne peut plus utiliser d’hydrocarbures (trop cher et source épuisée), si ce n’est pas en 2070, c’est pour quelques décennies de plus, ce n’est qu’une question de date.

On obtient le tableau suivant en TWh/an :

Il faut trouver à terme, si l’on ne veut pas diminuer notre niveau de vie, 765 TWh : c’est-à-dire les 75% (les ¾) des 1134 TWh de l’énergie que nous consommons actuellement. En gros l’équivalent des hydrocarbures utilisés pour le transport, l’industrie et les usages domestiques.

Le vide à combler, 765T Wh, sans solution actuellement est très visible sur le graphique suivant. C’est la partie hachurée en rouge :

Pour être clair, sans hydrocarbures et sans solution de rechange : très, très peu de transports, peu de chauffage et très peu d’industrie.

Quelles sont les possibilités ?

Les réserves d’hydrocarbures fossiles sont d’environ 200 ans. Pareil pour le charbon et l’uranium pour le nucléaire de fission. En ce qui concerne l’uranium avec les surgénérateurs, ils assurent une énergie pour entre 1 000 et 1 900 ans.

Le renouvelable n’a pas de limite dans le temps. Sauf que pour l’hydraulique, les débits des fleuves sont limités et les possibilités sont déjà bien exploitées. Pour le solaire, l’énergie du soleil varie entre le jour et la nuit, durant le jour, selon la géographie et la météorologie, cela fait beaucoup. Pour l’éolien, le vent varie de façon aléatoire selon la géographie, la météorologie et l’énergie récupérée varie selon (le carré de) la vitesse du vent. Pour la biomasse, on ne produira pas en agriculture, au moment où des personnes meurent de faim, des produits pour les brûler, on n’exploitera que la partie faible des déchets de cette biomasse.

Quant à l’énergie nucléaire, le nucléaire de fission est au point, les surgénérateurs sont opérationnels. Le nucléaire de fusion, lui, n’est pas encore au point.

Quant à ce qui n’existe pas (encore), on peut argumenter que des découvertes vont venir. Hélas les lois de la physique sont immuables et les plans B ne sont crédibles que pour ceux qui veulent y croire.

Les énergies primaires de remplacement

Quoiqu’il arrive, les hydrocarbures sont appelés à disparaître et ce n’est pas une question de CO2 ou de gaz à effet de serre, c’est qu’il y aura de moins en moins de réserve d’hydrocarbures fossiles. Ne restent que l’hydraulique, l’éolien, le solaire, la biomasse et… le nucléaire.

Distribution des sources d’énergie en France dans les années 2020, hydrocarbures regroupés et projection sans d’hydrocarbures et 50% de nucléaire

L’éolien

Le tableau ci-dessus, avec toujours 1134 TWh de consommés annuellement, reprend les données du tableau précédent en regroupant tous les hydrocarbures sous la même rubrique de l’éolien. La part du solaire a été augmentée malgré la pollution induite par cette technologie. Que voit-on sur ces deux tableaux, toujours avec une consommation stable de 1134 TWh ?

L’éolien et le solaire, 3% de la production actuelle, doivent remplacer le gazole, le fioul, les carburants automobiles, les carburéacteurs et… 50% du nucléaire. On peut le voir sur le tableau de droite où le nucléaire a été diminué de moitié et où il n’y a plus d’hydrocarbures.

Comment passer du premier tableau avec 3% de production actuelle d’éolien avec 8 000 éoliennes et de solaire à 79% d’éolien à celui d’en dessous ? Pour passer de 3% à 79% on passe de 8 000 éoliennes actuelles en France à 210 700 éoliennes, or comme ces 3% ne sont produits que lorsqu’il y a du vent et que l’on estime que cela n’arrive que 20% du temps (1/5), si l’on veut produire lorsqu’il y a du vent, soit 1/5 du temps, pour les 4/5 du temps où il n’y a pas de vent, il faut 5 fois plus d’éoliennes soit 1 053 000 éoliennes.

Cela revient à avoir environ 3 éoliennes par km2sur les terres métropolitaines d’une altitude inférieure à 250 m d’altitude, les plaines. Cela oblige aussi à pouvoir stocker les 4/5 de l’énergie produite. Là, personne n’a fait de proposition. Les solutions existent, mais c’est leur réalisation qui pose problème.

Le solaire

Le solaire a les mêmes avantages et inconvénients que l’éolien. Pour faire un parc de champ solaire il faut mettre à nu la nature. On ne va pas raser la forêt de Fontainebleau pour y implanter des panneaux solaire !

L’hydraulique

Le débit moyen des fleuves français est le suivant :

Avec un débit moyen de 3710m3/s il faut une hauteur d’eau de 2 188 m pour que les barrages fournissent l’équivalent des hydrocarbures. L’hydraulique est arrivée à son maximum en France où tous les sites ont été exploités. Si à la marge on peut encore exploiter des nouveaux sites, cette solution est bridée de plus pour des raisons écologiques (on se souvient du barrage de Sivens).

Les hydrocarbures

Les hydrocarbures quoiqu’il en soit sont une source épuisable et produisent du gaz carbonique à effet de serre. Ce n’est plus une solution à terme.

Le nucléaire

Cette solution avec la mise en œuvre de régénérateurs permet de produire une énergie pour des siècles, au moins 10 siècles. La France avait des atouts avec Phénix, Superphénix et le programme Astrid et ses réserves d’uranium. Tout cela a été arrêté par décision politique.

Les énergies de stockage

Les énergies primaires sont celles qui sont naturellement mises à notre disposition, les hydrocarbures et le charbon, l’hydraulique, le vent et la lumière du soleil, l’uranium, pour après transformation en faire d’autres énergies telles que l’électricité, la force motrice, le chauffage.

Dans ces énergies primaires le vent et la lumière du soleil ne sont pas maîtrisables d’où leur inconvénient. Utilisées exclusivement, il faut pouvoir stocker de l’énergie. Quelles énergies stocker ? Peut-on les stocker pour les utiliser à la demande ?

L’hydraulique

D’ores et déjà les barrages sont utilisés pour stocker de l’énergie. Mais on ne pourra pas aller au-delà de ce qui existe, le réseau des fleuves en France est très largement exploité. Il est douteux de plus que pour des raisons écologiques, de nouveaux barrages soient construits.

Les hydrocarbures

Les hydrocarbures peuvent être stockés en grande quantité, c’est le cas aujourd’hui. Ils peuvent être produits à partir de l’électricité en apportant de l’énergie à du CO2 ou du carbone (Projet Jupiter 1 000 entre autres) produisant ainsi par un cercle vertueux de l’énergie à partir de CO2. Vouloir supprimer les moteurs thermiques est se couper d’une solution existante et pourtant vertueuse.

L’hydrogène

L’hydrogène peut aussi être produit à partir de l’électricité. C’est un excellent combustible et il peut aussi restituer de l’électricité avec des piles à combustible. Il a pour inconvénient qu’il faut le stocker dans des réservoirs sous pression à 200 bar, en cas d’accident une bouteille à cette pression fait du dégât. De plus, ce gaz est dangereux, n’oublions pas qu’à Fukushima c’est une explosion due à l’hydrogène qui a fait sauter le toit de la centrale et non pas une explosion atomique !

L’énergie électrique

L’énergie électrique peut aussi être stockée dans des batteries d’accumulateurs. Dès les années 1900, la voiture électrique a prouvé que c’était là une solution. L’inconvénient des batteries est leur poids. Les 290kg de batteries de la Renault Zoé permettent de parcourir 240 km soit en gros une autonomie de 3 heures à 80km/h, pour parcourir cette même distance il faut environ 10 litres ou 10 kg de diésel !

Avec un moteur thermique il ne faut que 4 kg d’hydrogène, et la moitié, 2 kg, avec une pile à combustible, pour parcourir la même distance. Le problème de l’hydrogène est qu’il faut le comprimer pour avoir des volumes de stockage acceptables.

C’est finalement le coût qui fera selon les cas qu’une énergie de stockage sera utilisée ou non et pour le moment il est encore trop tôt pour se lancer dans une voie plutôt qu’une autre, chaque voie ayant en dehors du coût ses avantages et ses inconvénients.

Concernant le nucléaire, le sujet porte à polémique et n’est pas ici abordé.

Conclusion

Les hydrocarbures fossiles, que ce soit du charbon, du pétrole ou du gaz, sont non seulement à remplacer par des énergies décarbonées, mais de plus ont des réserves qui seront problématiques d’ici un siècle. L’éolien pas plus que le solaire ne semble la solution, l’hydraulique est proche du maximum. Reste le nucléaire. Mais il n’y a pas de solution miracle proposée pour fournir ces 765 TWh annuels.

Il faut tout de même parler d’écologie.

Avec notre foi indéfectible dans l’écologie progressiste, nous pouvons aborder les problèmes de l’avenir avec confiance. Bien sûr toute cette évolution ou transition énergétique se fera dans la plus grande concertation au sein d’une démocratie participative et ouverte qui sera appuyée par notre foi dans l’avenir. Les citoyens responsables seront amenés à emprunter une voie de progrès dans la plus grande transparence afin de préparer l’avenir de leurs enfants et des générations futures au sein d’une société fraternelle dans sa diversité. Conscients des enjeux d’une nouvelle société multiculturelle et solidaire à l’échelle du monde, les transformations se feront grâce à des politiques écologiques non punitives mais progressistes. La technologie 4.0 grâce aux efforts et au civisme de tous résoudra le problème de l’énergie du futur en leur fournissant une énergie verte.

La question sera donc : où trouver ces 765 TWh ?

Jean-Paul GOURDIN

Ingénieur

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