« Je pense donc je suis » avait dit notre Descartes national, estimant qu’être conscient de sa capacité d’abstraction suffisait à différencier la créature humaine de l’animal. Cinq siècles plus tard, les travaux des neuroscientifiques et en particulier d’Antonio Damasio de l’université de l’Iowa, viennent en écho à la non moins célèbre réponse de Pascal à son célèbre prédécesseur : « Le cœur a ses raisons que la raison n’a pas ». Pour démontrer « l’erreur de Descartes », il faut cependant fournir de solides arguments, et de fait cet éminent neurophysiologique n’en manque pas.

À commencer par rapporter une observation clinique convaincante : Été 1848 en Nouvelle-Angleterre près de Boston, Phineas P Gage, 25 ans, est chef d’équipe dans une entreprise de travaux des voies ferrées. Il est particulièrement apprécié de ses employeurs pour son intelligence et sa sociabilité. On souligne sa force de caractère et sa capacité à prendre les bonnes décisions, en même temps que sa modération dans ses relations professionnelles. Ce jour-là, il faut faire sauter à la dynamite un rocher qui empêche le passage. Avec une barre de fer, il bourre de poudre un trou ménagé dans la roche. On oublie d’interposer du sable, le contact brutal roche/poudre/métal provoque une étincelle et c’est l’explosion qui projette la barre de fer à la verticale dans le visage de Ph. Gage. Elle pénètre la base du crâne par la joue gauche et ressort par le sommet du crâne. Elle sera retrouvée quelques dizaines de mètres plus loin. Miraculeusement, Ph. Gage réchappe à ce terrible accident du travail, et restera même conscient tout au long de son transport à l’hôpital, capable également de parler et de se déplacer tout seul.

Il sera physiquement rétabli en moins de 2 mois. Mais Gage ne sera plus Gage : tout le monde constate un changement complet de sa personnalité....