L’impérialisme allemand est-il réellement révolu ?
OPINION. Hégémonie européenne, symboles institutionnels, continuité historique… Selon notre abonné, s’il prend désormais d’autres formes, l’impérialisme allemand n’a pas quitté les esprits des élites d’outre-Rhin. Et ce, malgré des décennies de paix européenne.
Les craintes que les Français éprouvent à l’égard de l’Allemagne ont deux sources principales. D’une part, le souvenir de trois guerres successives en soixante-dix ans : 1870, 1914 et 1940. D’autre part, notre décadence contemporaine face à une Allemagne qui s’impose de plus en plus comme première puissance européenne, non seulement économique et monétaire, mais aussi politique, ce qui en est la conséquence. Sur ces divers sujets, tout, ou presque, a été dit par les politologues, économistes, éditorialistes et historiens du contemporain.
En revanche, il est une autre perspective qui est rarement abordée et qui nous paraît conduire à des conclusions beaucoup plus solides, mais aussi beaucoup plus alarmantes, celle de l’histoire du « temps long », pour reprendre le terme de Fernand Braudel, en 1949, dans son ouvrage La Méditerranée et le Monde méditerranéen à l’époque de Philippe II. C’est-à-dire celle de l’histoire de l’Allemagne depuis qu’elle existe, non pas celle de l’Empire allemand proclamé en 1871 dans la galerie des Glaces de Versailles, mais celle de la Francie orientale ou Germanie, depuis le Haut Moyen Âge.
Ce qui est le plus frappant dans cette longue histoire, c’est que l’Allemagne a toujours été un empire. Dans un récent « billet d’humeur », nous plaisantions autour du mythe Charlemagne qu’entretiennent soigneusement les Allemands. Mais au-delà du ridicule d’un Macron célébrant le « temps carolingien où nous nous trouvons aujourd’hui », il est une réalité essentielle : celle d’un État allemand qui se veut fondamentalement empire, successeur de l’Empire romain. Karl der Grosse (dit Charlemagne en France), à l’origine, n’est que roi des Francs : c’est avec la conquête des Lombards, dont il devient également roi, qu’il prétend finalement au titre d’empereur et se fait sacrer à Rome . Son empire, en Occident, est le premier depuis la chute de l’Empire romain. L’aigle, symbole de l’Empire romain, est repris...