RetraitesSanté

Ehpad: Hommage aux "petites mains"

Ancienne infirmière, Michèle Tahon salue tous ceux qui veillent sur nos ainés dans les maisons de retraite et qui n'ont pas attendu la crise du coronavirus pour être exemplaires de dignité et de courage. Un texte bouleversant.

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Six étages à surveiller: nous sommes deux. Ben, l’aide-soignant travaille avec moi la nuit. Il vient de Kinshasa. Là-bas, il était infirmier. Il me raconte qu’il y avait un lion dans son jardin. Les pensionnaires l’aiment bien parce qu’il rit tout le temps. Il prend les choses dramatiques avec humour. Cela fait du bien. Dans ce monde du silence et de la souffrance, de la tristesse de vieillir, du combat quotidien entre la vie et la mort, dans les couloirs et les chambres, il y a un rire, c’est celui de Ben.

On forme une bonne équipe, il faut se tenir les coudes quand on travaille la nuit car la nuit tout prend des proportions gigantesques: le moindre bruit, la moindre lumière, la moindre sonnette se transforme en alerte. Pour le change, Ben n’a pas son pareil. Les couches sont plus légères avec lui. Ces hommes et ces femmes dont le corps a vieilli, est devenu fripé, fragile, souffrant, doivent être manipulés avec délicatesse et douceur, mais également avec fermeté dans les gestes, précis, rapides pour ne pas rajouter du mal au mal.

Il y a monsieur N. Trois mois qu’il est ici. Il est arrivé de l’hôpital, son état jour après jour s'est dégradé. Il ne mange plus, il est maigre, inconscient, il n’est plus qu’un râle, une plaie d’escarres. Toutes les deux heures il faut le retourner dans son lit, le masser, l’enduire de crème. Il est décédé par une nuit terriblement chaude. Ben et moi, nous nous mettions du coton dans le nez avant de rentrer dans sa chambre, à cause de l’odeur insupportable de la mort…Oui, je sais cela ne se dit pas et pourtant…

Il y a madame R. Un an qu’elle est là. Elle baisse tout doucement. Elle souffre d’être là, mais où pourrait-elle...

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