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Anatomie de la main invisible

Un texte exclusif de Michel Onfray.

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Sauf pour quelques staliniens demeurés, il ne fait aucun doute que le marxisme est une idéologie, l’idéologie définissant ici la croyance que le réel obéit à l’idée. Marx a construit un système idéaliste en le présentant comme matérialiste. Mais sa dialectique présentée comme créatrice, sa fin de l’histoire, son éloge de la violence accoucheuse de la vérité historique, sa réalisation d’un Homme Nouveau, son communisme achevant l’Histoire, sa société sans classe identifiée au paradis d’une terre débarrassée de la propriété, tout cela procède de l’idéalisme hégélien et a permis de justifier le pire : le goulag était le moment dialectique de la négativité préparant l’avènement d’une positivité supérieure, la société communiste ; l’histoire n’a pas été accomplie ou réalisée par la violence, mais tragiquement enflammée par elle ; l’Homme Nouveau a donné lieu à un Homo sovieticus transformé en rat craintif errant dans les égouts de l’Histoire ; et, en lieu et place de la société communiste, l’URSS a généré une société féodale totalitaire dans laquelle l’inégalité faisait rage – les rats au goulag, les apparatchiks au Kremlin ou dans leurs datchas sur la mer Noire, entre deux, un peuple faisant sous lui.

Il n’en va pas de même pour le libéralisme qui, pourtant, lui aussi, croit que le réel obéit à l’idée. L’idéologie de cette secte qui se pare des plumes du paon depuis plus d’un demi-siècle en Europe dispose de dévots qui peuvent toujours sacrifier à leur religion faite de main invisible, de ruissellement des richesses, de commerce adoucissant les mœurs, de vices privés générateurs de vertus publiques et, de ce fait, de mondialisation heureuse !

On a beau montrer que le marché ne produit aucune homéostasie, que la production des richesses ne génère aucun ruissellement mais la paupérisation, que le commerce est une autre façon de faire la guerre...