F.P. : On définit souvent l’« oumma » comme la « communauté des croyants » au sein de l’Islam. Est-ce exact ? Que recouvre précisément cette notion ?

Amélie Chelly : Le terme oumma est, en effet, souvent traduit par « communauté des musulmans ». Pour affiner cette définition, force est d’indiquer que le concept revêt, originellement, trois aspects : il s’agit d’abord d’un idéal, ensuite d’une notion métaphysique et enfin d’un critère engageant une structure concrète, indépendante de toute circonscription par la convention de frontières. La communauté des musulmans se fonde ainsi sur l’idéal de l’oumma al-nabi (la communauté du prophète), ce qui explique que cet idéal de projection ait pu être présent, dans toute sa transnationalité, tant dans les idéologies sunnites qu’au sein des lectures chiites. D’après le grand spécialiste Louis Gardet, « oumma » est synonyme de « jame’eh » qu’on traduit par « société » ou « communauté »1. Il rappelle que la racine « oum » veut dire « mère » et évoque l’origine commune de la fratrie. Il faut donc considérer une transposition de la fraternité originellement de sang à celle causée par la foi, parce que telle est l’essence révolutionnaire de l’islam : cette religion s’est structurée par la supplantation du système clanique et du lien de sang par la communauté de croyance et le ciment de la foi en Allah. Du moins, c’est ce à quoi aspira la religion initiée par la révélation de Mahomet en théorie ; en pratique, la rupture avec le système clanique au profit de la société de foi n’est pas uniformément observable dans le monde musulman.

Pour approfondir la définition de cette notion à partir du texte coranique, il faut noter que l’oumma est toujours associée à une communauté de conventions réglant l’action et les rapports interhumains autour des principes religieux de Bien et de Mal. Il est dit : « Vous êtes la meilleure communauté qu’on ait fait surgir pour les hommes,...