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La realpolitik, l’idée derrière le mot

Aux yeux de ses adversaires, le réalisme politique se résumerait à un culte de la force, à une idéologie pragmatique, opportuniste, fataliste, désespérante et manichéenne. Ce réquisitoire, très répandu chez les idéalistes de toutes obédiences, ne saurait prétendre épuiser le sujet. Loin de là… comme se propose de le démontrer l’historien des idées Arnaud Imatz.

/2023/06/14_real


Le réalisme politique n’est à proprement parler ni une école homogène, ni une famille intellectuelle unitaire. C’est seulement un habitus, une disposition d’esprit, un point de vue d’étude ou de recherche qui vise à éclairer les règles que suit la politique. Ce n’est pas la défense du statu quo, de l’ordre établi ou la doctrine qui justifie la situation des hommes au pouvoir. Ce n’est pas le cynisme, vulgaire et caricatural, l’apologie machiavélique de la force, de la violence et de l’égoïsme ; la conception darwinienne de l’homme, la simple technique de conquête du pouvoir, l’instrument de manipulation du peuple, la manière amorale ou immorale de comprendre la lutte politique. Le réalisme politique part de l’évidence des faits, mais il ne se rend pas devant eux. Il ne se désintéresse pas des fins dernières et se distingue en cela du pseudo-réalisme ou machiavélisme cynique qui réduit la politique à la seule volonté de puissance, au règne et au culte de la force à l’état pur. C’est, somme toute, ni plus ni moins qu’une méthode d’analyse et de critique complète, intense et radicale de tout pouvoir constitué.

Le réaliste politique authentique – le machiavélien et non pas le machiavélique – est un homme avec des principes, une morale, une profonde conscience des devoirs et des responsabilités de l’action politique. La prudence, la sagesse, l’équilibre, le sens de la responsabilité et la fermeté de caractère sont les clés de sa pensée. Le réaliste politique affirme que la finalité propre à la politique est le bien commun, et il reconnaît la nécessité vitale des finalités non politiques – le bonheur et la justice. La politique est selon lui au service de l’homme. La mission de la politique n’est pas de changer l’homme ou de le rendre meilleur (ce qu’il considère être le chemin...