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L’art généré

Au printemps dernier, la Dead End AI Gallery d’Amsterdam s’est enorgueillie d’être la première galerie d’art à présenter des œuvres générées par l’intelligence artificielle. Derrière l’innovation, l’artiste disparaît. On ne crée plus désormais, on « génère » une œuvre d’art.

/2023/09/15_LART-GENERE


Pour le visiteur curieux, rien n’a changé ; il déambule entre différents objets et regarde les écrans disposés dans la galerie. Pourtant, tout a changé : ce n’est plus l’artiste qui crée. On s’en remet à l’IA qui peut générer une peinture numérique. Certes, l’IA a été programmée, mais l’artiste n’est pas un programmeur. Celui-ci associe plusieurs informations et se contente de passer commande à l’algorithme, qui livre le travail immédiatement, quand l’artiste accomplit sa tâche laborieusement. C’est tellement plus facile de s’en remettre à l’algorithme. Par ailleurs, si le programmeur est sensible aux arts, il sera un commanditaire éclairé et le produit fini aura toute l’apparence d’une œuvre. Pourquoi s’encombrer d’un artiste capricieux quand l’algorithme s’exécute dans les plus brefs délais sans sourciller ? Dans la galerie, des objets sont exposés et pour le visiteur curieux, rien n’a changé. Mais dans l’atelier, on cherche désespérément l’artiste, un homme qui réalise une œuvre et s’accomplit à travers elle, qui puise en lui et saisit autour de lui ce qui lui permet de créer. En regardant les objets disposés dans l’atelier, on espère découvrir un univers. On envisage avec plaisir toutes les associations incongrues qui ont contribué à forger une personnalité et révèlent désormais une sensibilité. Une aquarelle de la grand-tante répond à une gravure authentique, un cendrier fume sous une lampe Art déco et la vierge de Lourdes tend ses bras translucides vers le buste de Lénine coiffé d’un canotier. Sur les étagères, une pin-up minaude face à Balzac quelque peu engoncé dans une reliure en cuir ; de l’autre côté, Johnny Cash sur son vinyle prend la poussière. C’est tout un univers indissociable de l’artiste qui lui permet de s’exprimer comme aucun autre ne le pourrait. L’algorithme ne génère pas à partir d’un imaginaire progressivement enrichi à la faveur de rencontres...