LA RÉBELLION FRANÇAISE, DE JEAN NICOLAS, ÉD. SEUIL, 2002

Voilà ce qu’on appelle une somme. 800 pages, 1000 avec les annexes. Elle vient d’abord rappeler au lecteur distrait la base du métier d’historien : le travail des sources. Dans l’immense magma des incidents répertoriés dans les archives, l’auteur a dû s’imposer une méthodologie de sélection exposée dans le premier chapitre (« Les archives du désordre »). La rébellion française est ainsi l’aboutissement d’une gigantesque enquête sur la notion de révolte populaire entre 1661 et 1789, c’est-à-dire entre la mort de Mazarin, qui marque le début du règne personnel de Louis XIV, et la première année de la Révolution française. Mais quels conflits retenir ? À l’historien de trancher et d’expliquer son choix : sont retenus les conflits qui ont impliqué au moins quatre personnes, ont été accompagnés de violence et ont duré au moins quelques heures. Résultat ? 8528 conflits. « Le marquage en degrés d’intensité des 8528 cas du corpus de l’enquête révèle qu’il s’agit une fois sur trois (31,1 %) de tumultes d’importance réduite, près d’une fois sur deux (44,8 %) de rébellions plus graves, mobilisant de 11 à 50 personnes, et une fois sur quatre (24,1 %) de révoltes et séditions avérées auxquelles ont participé plus de 50 individus. À partir de là s’ouvrira la quête de sens, car les pistes d’interprétation sont multiples, elles épousent tous les aspects de la structuration historique. » Prétendre rendre compte de l’ensemble du travail de l’auteur serait manquer d’humilité. Essayons cependant de relever quelques leçons. La première saute aux yeux et bat en brèche une idée reçue : la période de l’histoire de France entre la Fronde (1648-1653) et la Révolution française, qu’on présente généralement comme une période de grand calme et de raffermissement de l’absolutisme entre deux périodes de troubles, n’est précisément pas une période de calme. Cette...