Le nœud démocratique, Marcel Gauchet, éd. Gallimard

Avec l’effondrement des totalitarismes, la démocratie est devenue l’horizon politique indépassable. Et pourtant, l’idée que nous vivons malgré tout une puissante crise démocratique fait de moins en moins débat…

Le livre de Marcel Gauchet part de la constatation du grand paradoxe politique contemporain : plus il y a de démocratie, moins il y a de démocratie. Pour comprendre les raisons de ce paradoxe, il faut repartir de l’idée de démocratie moderne. Contrairement à la démocratie antique, la démocratie moderne est libérale, c’est-à-dire qu’elle repose sur une tension entre l’individu et le collectif. Pour aller vite, disons que l’État de droit permet de défendre l’individu contre le collectif et que la souveraineté populaire défend le collectif contre l’individu. Et Marcel Gauchet de résumer le problème : « Deux visions qui ont des titres à se croire également fondées, au-delà de leur différence de statut, puisqu'elles prennent appui chacune sur l'un des éléments constitutifs de la démocratie, telle que les modernes la comprennent : les libertés personnelles qu'elle garantit, d'un côté, et le pouvoir des citoyens en corps qu'elle promet, de l'autre côté. Les deux éléments sont destinés, normalement, à jouer de concert pour former une « démocratie libérale », où l'enracinement du régime dans les droits de chacun se complète par la conversion de ceux-ci en puissance de tous. Or l'évolution de nos sociétés tend à dissocier les deux composantes : elles divergent au lieu de converger. »

La démocratie minimale

D’où l’idée de « nœud » démocratique. Cette réflexion n’est pas nouvelle chez Gauchet. Outre qu’il est l’auteur d’une longue enquête sur l’avènement de la démocratie moderne, il avait déjà creusé ce sillon lors du colloque « Le droit contre la loi » organisé en 2018 par la fondation Res Publica. Cette montée en puissance de la société libérale où l’individu est la mesure de...