F.P. : Les territoires n’ont pas très bonne presse. Ils sont aujourd’hui le symbole du déclassement et de la relégation. Vouloir les remettre au centre du jeu n’est-il pas anachronique ?

Frédéric Salat-Baroux / Éric Hazan : À plusieurs titres, les territoires nous apparaissent, au contraire, porteurs de solutions. En prenant en charge les services publics du quotidien (social, santé, économie, emploi, logement…), ils peuvent permettre à l’État central de retrouver de l’efficacité là où on l’attend : sécurité, immigration, remise en ordre des comptes publics, simplification des normes. Les territoires sont ainsi l'occasionde sortir de l’impuissance publique. Par ailleurs, en s’appuyant sur les dernières technologies, et à condition de développer les infrastructures numériques et de transport nécessaires, de nouveaux actifs et leurs familles pourraient faire le choix d’habiter dans les territoires sans renoncer à leurs ambitions, d’y vivre mieux que dans les grandes métropoles uniformisées, étouffantes, dures à l’âme. Les territoires – on pourrait aussi employer le mot magnifique de « terroir » – sont déterminants pour construire un projet associant réenracinement et développement technologique. Ce qu’a montré la globalisation, c’est que l’on ne peut rien bâtir de solide en se coupant de son identité.

F.P. : Quel est le problème de l’« économisme » par rapport à votre logique de révolution par les territoires ?

Frédéric Salat-Baroux / Éric Hazan : Nous avons essayé de comprendre les causes de la crise morale qui mine les pays occidentaux. Pour nous, elle réside dans le choix, au tournant des années 1980, de l’économisme, c’est-à-dire de l’idée quasi-religieuse que la solution à tout problème se trouve dans l’application des règles de marché. Cela a conduit à la fuite en avant dans la globalisation, à la désindustrialisation, à la flambée des inégalités et à ce que nous appelons l’entrée en martyre des classes moyennes. Les territoires sont une partie de la réponse en permettant aux actifs...