Déclin et chute du néolibéralisme, de David Cayla

Né au XXe siècle, le néolibéralisme a rapidement pris le pouvoir sur les économies occidentales. Longtemps intouchable, il serait aujourd’hui en déclin, déstabilisé par ses propres excès.

S’engager, c’est être précis. Rares sont pourtant les analystes contemporains qui prennent le néolibéralisme au sérieux et les plateaux télé regorgent d’usages frauduleux de cette notion pourtant devenue clé. David Cayla fait ici le choix de la rigueur (intellectuelle), en poursuivant le sillon déjà tracé dans Populisme et Néolibéralisme (éd. de Boeck, 2020). Dans cet ouvrage dense d’une grande clarté, l’économiste hétérodoxe entend démontrer que le néolibéralisme existe bel et bien et qu’en tant que cadre dominant, il a des effets très concrets sur les politiques économiques et sur la vie des nations. Qu’il existe bel et bien ? Oui, car il en va du néolibéralisme comme de la French Theory en philosophie : la notion regroupe une telle nébuleuse de théoriciens différents qu’on en vient d’abord à douter de son existence réelle (c’est le cas de Serge Audier, au sujet du néolibéralisme). Pour David Cayla, qui a procédé à ce travail de généalogie dans les pas des grands, il y a bien une matrice doctrinale : « Le néolibéralisme repose sur un principe fondamental, celui des prix de marché. » En effet, le néolibéralisme implique l’extension de la logique du marché à l’ensemble des sphères de l’interaction sociale, ce qui permet par ailleurs aux économistes Joseph Stiglitz et Dani Rodrik d’y voir un « fanatisme de marché ». Dans cette logique, l’État, délégitimé dans sa fonction symbolique, est sommé de se faire l’agent institutionnel de coordination des comportements économiques et sociaux dans une logique de concurrence. On voit ici ce qui sépare le néolibéralisme du libéralisme classique. Ce dernier voyait dans le marché une institution naturelle, indépendante de la politique....