GUERROYANT, PIERRE MARI

Assister aux obsèques d’un vieil ami emporté par une maladie foudroyante. Raconter, témoigner, restaurer ce qui doit l’être, prendre un temps de recueillement sur les terres fécondes du souvenir.

« J’étais là pour rameuter les vieilles images tapies au fond d’une poignée de cœurs, et peut-être du mien tout seul. Pour les presser contre le butoir final, sans souci des chapitres intermédiaires. Prémisses et conclusion énergiquement frottées, certitude de quelques étincelles. » Certitudes d’étincelles, en effet, comme souvent chez Pierre Mari, dont la langue ciselée a peu d’équivalents contemporains. Guerroyant, qui porte admirablement son nom, est le récit à la première personne d’un homme venu rendre hommage à un ami défunt autant qu’à une promesse d’enfance : celle de ne rien céder à la médiocrité toujours galopante de l’époque. Le temps d’une journée d’obsèques, Pierre Mari délie l’écheveau du passé et raconte cet ami hors-série, au-delà des standards, «  le premier que j’ai vu s’élancer dans le vide comme pour répondre à une convocation sauvage ». C’est leur commune mémoire qui refait ainsi surface, et avec elle leur volonté de « remonter jusqu’au feu radical » pour « rester pleinement vivant ».

Le combat de la langue

Quoi de plus littérairement convenu qu’une triste journée de deuil ? Chez nos écrivaillons dégoulinants pour coup de cœur Fnac, peut-être. Pas chez notre auteur où la mièvrerie est tenue en respect par une batterie de phonèmes intransigeants, indociles, imprenables. « La laideur neutre était partout (…) même agression des sens – même assaut concentré sur ces liens par où les sens tiennent à l’âme. Il y aurait eu de quoi suspendre le cours de la cérémonie, se regarder les uns les autres, se demander par quelle torsion maléfique nous en étions arrivés là. À ce degré d’enlaidissement, de rapetissage, de rabougrissement de la mort. À cette imitation mal...