L’intelligence artificielle (IA) est très certainement la machine à vapeur de cette première moitié du XXIe siècle et son développement a, et aura, des conséquences plus importantes encore que l’appareil de John Watt, une réinvention améliorée de l’éolipyle d’Héron d'Alexandrie, dont la mise au point à la fin du XVIIIe siècle a permis la révolution industrielle.

L’IA n’est pas simplement un bouleversement industriel, comme l’ont été les technologies de l’information et de la communication (TIC) qui ont sous-tendu la troisième révolution industrielle dans les années 1970 et 1980. Elle annonce un changement anthropologique majeur, susceptible de mettre en péril l’existence même de l’humanité, ou du moins de la changer radicalement. Ainsi, en mars et en mai 2023, quelque 350 experts, parmi lesquels Sam Altman, le directeur d'OpenAI (qui développe le fameux ChatGPT), Elon Musk, Steve Wozniak (cofondateur d'Apple) et des membres du laboratoire d'IA de Google DeepMind, estimaient, dans deux lettres publiques, que « l'IA pourrait poser un risque d'extinction pour l'humanité » et que « limiter le risque d'extinction lié à l'intelligence artificielle devrait être une priorité mondiale, au côté d'autres risques à l'échelle de la société, dont les pandémies et la guerre nucléaire ». Rien de moins.

Peut-être, demain, l’humanité se prémunira-t-elle contre de tels outils, comme l’avait anticipé Frank Herbert ? Dans l’univers imaginaire de cet auteur américain de science-fiction, les événements relatés dans le cycle de Dune étaient précédés par une période historique appelée « Jihad butlérien », où l’humanité, luttant contre les « machines pensantes », les ordinateurs et l’IA, qui l’avaient asservie, les interdit totalement. Le principal commandement du Jihad butlérien, s’inspirant du style biblique, était : « Tu ne créeras pas de machine à l'esprit semblable à celui de l'homme. »

Mon propos ne sera pas ici de réfléchir aux risques globaux que représentent les IA pour l’humanité. D’autres l’ont fait, notamment Michel Onfray, et...