Une autre politique de l'eau
L’eau, ressource en théorie abondante, va devenir rare. En partant de l’actualité des affrontements aux bassines de Sainte-Soline, Paul Melun propose des pistes pour repenser l’utilisation de l’eau sur un modèle girondin.
« La mort de l’eau est plus songeuse que la mort de la terre : la peine de l’eau est infinie. » C’est ainsi que Gaston Bachelard menait en 1942 ses méditations sur L’Eau et les Rêves. Comme une incitation à concevoir l’eau comme une matière auprès de laquelle nous nous abandonnerions à nos rêves, le philosophe nous plonge dans l’impénétrable mystère de la vie. Plusieurs décennies après les songes poétiques de Bachelard, nous voilà confrontés à un immense questionnement. L’eau, élément essentiel à nos vies par-dessus tout, devient objet de convoitises, de préemptions et de conflits. L’Occident se trouve désormais sous une menace qu’il croyait disparue pour l’éternité : la rareté. L’eau courante, révolution technologique immense et perceptible de tous, a profondément modifié le rapport des pays développés à l’or bleu. Du plus petit village à la plus vaste métropole, tous les foyers français peuvent désormais laver le linge, boire, cuisiner, sans plus jamais se soucier de la présence ou non du débit du précieux liquide. Certes, le prix demeure une frontière presque invisible entre ceux qui peuvent consommer sans compter et les autres, mais l’eau est là et jaillit dans les robinets de la maison. C’est peut-être ici l’une des marques les plus profondes du progrès de nos civilisations techniques. Notre époque est parvenue à approvisionner les hommes d’un flot continu de la matière la plus indispensable à la vie, l’eau.
Jurisprudence Sainte-Soline
Des méditations de Bachelard aux bassines des Deux-Sèvres, l’eau est devenue en quelques fragments de temps à l’échelle de la vie sur terre, une matière qui concentre dans le bleu de son reflet du ciel, tous les vices de notre époque. Expression ultime du bien commun, l’eau est pourtant un élément dont l’usage qu’en fait l’humanité doit être l’objet d’un débat, surtout à l’heure de sa raréfaction. À...