Une politique de civilisation
De la Mésopotamie antique jusqu'à nos jours, le processus est connu : les civilisations naissent, prospèrent, et meurent. La nôtre ne fera a priori pas exception. La solution : une véritable politique de civilisation, qui puisse concilier aussi bien nos fondations judéo-chrétiennes que les corrections apportées par les Lumières. L'édito de Michel Onfray, co-fondateur de Front Populaire.
Qu’elle soit de droite ou de gauche, la philosophie de l’Histoire en France est imprégnée de mythologie marxiste qui emprunte sa logique au christianisme : un paradis aux origines, la société d’abondance ; un péché originel, la création de la propriété privée ; une vie peccamineuse, la misère du plus grand nombre ; l’espoir d’un salut via la venue de deux messies, Marx pour la théorie, Lénine pour l’action ; le sang versé pour la rédemption, la révolution ; l’espoir d’un monde débarrassé du mal, la société socialiste ; la parousie permettant l’avènement et le règne de la justice sur terre, le communisme réalisé. Voilà pourquoi Alain Badiou, le dernier dinosaure marxiste-léniniste français, version maoïste, aime tant saint Paul !
Il faut dépasser cette lecture simpliste et simplette afin de pouvoir produire enfin à nouveau une philosophie de l’Histoire digne de ce nom. Car l’idéalisme judéo-chrétien repris et augmenté par l’idéalisme marxiste-léniniste, sous couvert de matérialisme dialectique, voilà qui a failli. De part et d’autre, christianisme ou léninisme, cette course à l’utopie a tué des millions d’hommes. La théocratie, même quand Dieu est un humain divinisé puis embaumé, l’impérialisme qui veut la domination de l’idéologie sur tous les continents, le colonialisme qui est destruction des autres civilisations pour les remplacer par la religion de l’homme nouveau, l’inquisition qui détruit toute résistance ou toute opposition, les prétendues guerres justes pour imposer sa loi à d’autres pays par les armes, y compris sous forme de croisades, tout cela procède d’un même schéma idéaliste qui croit moins au réel qu’aux idées, qui préfère l’idéologie à la réalité, la doctrine aux faits, le texte au monde, le verbe aux gens.
Il va de soi que dans la perspective marxiste, on ne saurait penser en termes de civilisations, au pluriel, car chez les tenants de la faucille...