Géopolitique Poutine

Alexandre Douguine, l’icône du nouveau traditionalisme impérial russe (2)

OPINION. Depuis la mort de sa fille dans un attentat à la voiture piégée, l'idéologue russe Alexandre Douguine interroge les médias français. A l'occasion de la sortie de son livre Qui est l'extrêmiste ? (éd. Intervalles), l'historien des idées Pierre-André Taguieff nous livre une riche synthèse de la pensée de cet homme réputé proche de Poutine. Deuxième partie. 

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Images et visages du mage Douguine

Lors de la conférence politique du Mouvement social-politique panrusse Eurasia, le 1ermars 2002, Douguine dressait un éloge dithyrambique de Poutine :

« À nos yeux Poutine est un partisan d’une politique de pouvoir étatiste, un patriote renforçant la ligne verticale de l’autorité, un chrétien orthodoxe fidèle aux racines spirituelles russes mais loyal envers les autres religions traditionnelles eurasiennes. Poutine est pour nous celui qui sauve le pays du séparatisme et de l’effondrement (…). Poutine est pour nous un président au-dessus des partis, incarnant les espoirs et les attentes de la majorité des Russes – ce qu’on appelle la “majorité de Poutine”. »

Lors de cette même conférence, Douguine est revenu sur l’idée eurasiste, se félicitant de son attractivité et de la voir devenir « la voie du nationalisme panrusse (…), de l’aspiration créatrice de chaque ethnie de la Russie à exprimer, sauver et renforcer sa propre identité ». Ce nationalisme impérial et d’esprit messianique incarné par Poutine s’oppose clairement pour Douguine à l’orientation politique d’un Occident saisi par le déclin, face auquel il ne cache pas son mépris et donne dans l’imprécation : « La voie que l’Occident a prise est destructrice pour lui-même et pour tous ceux qui sont tentés de la suivre. L’Occident lui-même doit être sauvé. Sa civilisation est spirituellement viciée, fausse et monstrueuse. Derrière la prospérité économique, il y a une totale dégradation spirituelle. Nous n’avons pas besoin de la prospérité au prix de la perte de notre humanité. Si l’Occident persiste dans cette voie, qu’il tombe tout seul dans l’abysse. »

Il est fort intéressant de constater que Douguine se réclame explicitement des penseurs postmodernes pour définir ce qu’il entend par vérité. Il leur emprunte notamment l’idée d’une inséparabilité du savoir et du pouvoir, mais aussi leur appel à « déconstruire » dans toutes ses composantes la civilisation occidentale....

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