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Et si Proudhon avait connu les cryptomonnaies ?

CONTRIBUTION / OPINION. L’anarchiste Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865) rêvait d’une monnaie émancipée des États, fondée sur l’égalité, la coopération et la suppression de l’usure. Avec les cryptomonnaies et la finance décentralisée, ses intuitions trouvent un écho saisissant… mais non exempt de contradictions.

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Crédits illustration : Wikimedia Commons


Si Proudhon avait connu les cryptomonnaies, il aurait vu dans leur développement une réalisation technique de ses principes de souveraineté monétaire populaire face à l’État et aux banques.

Émission monétaire décentralisée


Proudhon rêvait d’un système où « le peuple serait son propre banquier », c’est-à-dire où la création monétaire ne serait plus le monopole des États ou des banques centrales, mais deviendrait le produit de l’association libre des individus. Avec Bitcoin et les autres cryptomonnaies, la monnaie est créée par un réseau distribué qui repose sur une participation ouverte (minage, staking, etc.), sans autorité centrale. Cela correspond à la volonté proudhonienne de remettre en cause la « royauté de l’or » et le contrôle étatique sur la monnaie en promouvant un modèle décentralisé.

Suppression de l’usure et crédit gratuit


Un des pivots de la réflexion de Proudhon est sa dénonciation de l’usure, c’est-à-dire du crédit à intérêt qui favorise les rentiers au détriment des producteurs. Il préconisait la mise en place d’un crédit gratuit, accessible à tous et fondé sur la réciprocité. Les projets décentralisés de finance (DeFi) dans l’écosystème des cryptomonnaies vont dans ce sens : ils rendent possibles le prêt et l’emprunt pair à pair avec des taux d’intérêt qui tendent vers le minimum viable et sans privilège institutionnel. Même si l’usure n’a pas disparu, la transparence du code et la concurrence entre plateformes permettent de limiter les abus prédatifs du crédit, rejoignant l’idéal proudhonien.

Décorrélation de la monnaie et de l’État


Proudhon avait anticipé l’émancipation de la monnaie vis-à-vis de l’or et, à terme, de toute attache à une entité souveraine. Bitcoin et les autres cryptomonnaies incarnent cette rupture : nativement numériques, non contrôlées par une instance étatique, elles permettent une autonomie transactionnelle mondiale. Cela consacre le rêve proudhonien d’une monnaie de l’échange, attachée à la valeur produite par le travail et la...

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