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De la planification à la française (partie 4)

31/07/2022

ENTRETIEN. Et si démondialisation rimait avec planification ? C’est l’hypothèse de travail de Jacques Sapir dans Le grand retour de la planification ? (éd. Jean-Cyrille Godefroy). Dans cette quatrième partie, l'économiste se concentre sur la planification "à la française" et sur ce que celle-ci a permis d'accomplir.
1ère partie de l'entretien
2ème partie de l'entretien
3ème partie de l'entretien
5ème partie de l'entretien
6ème partie de l'entretien

De la planification à la française (partie 4)


FP : En France, la planification naît politiquement en 1946 et connait son apogée avec les grandes heures du gaullisme de gouvernement. Quel bilan peut-on en tirer ?

Jacques Sapir : Le bilan de la planification française est plus que positif sur la période allant de 1946 au début des années 1980, même si le Commissariat Général au Plan ne perdit formellement ses pouvoirs qu’en 1993 et ne fut aboli que dans les années 2000.

La France adopta, en janvier 1946, le principe d’une planification qui se révéla largement efficace pendant de nombreuses années. Le contexte semblait imposer cette planification. Le pays sortait de la Seconde Guerre Mondiale ravagé tant par la guerre que par les multiples pillages de l’occupation allemande [1]. Pourtant, les origines de la pensée planificatrice sont multiples et complexes. La création du Commissariat Général du Plan (CGP) est parfois attribuée à l’influence du Parti Communiste Français dans le Gouvernement Provisoire. Mais, à l’époque, le discours du PCF soutient qu’une économie capitaliste ne peut être planifiée. En réalité, les origines de la planification sont autres. Il faut ici noter l’importance de Pierre Mendès-France et de George Boris, l’admiration pour les mécanismes de planification mis en œuvre dans l’économie américaine de 1941 à 1945 (une pratique elle-même inspirée de l’expérience française de la Première Guerre Mondiale), et le rôle des institutions mises en place par le régime de Vichy (la DGEN) dont certaines furent reprises in extenso par le Gouvernement provisoire à la Libération.

Quant à l’impact de la planification sur l’économie française des années 1950 et 1960, il semble tout à la fois important et diffus. Car on a tendance à oublier que la France a aussi pratiquée une intense planification territoriale à partir de la fin des années 1950. Sous l’impact du livre-pamphlet Paris et le désert français [2], l’Etat s’est doté d’organismes de gestion et de planification régionale et territoriale, un processus qui a été formalisé par la création, en 1963, de la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale(DATAR) qui devint l’exécuteur des décisions prises par le Comité interministériel permanent pour les problèmes d'action régionale et d'aménagement du territoire (CIAT) qui avait été créé en 1960 [3].

L’expérience de planification dans l’économie française s’est donc déroulée sur 46 ans et s’est composée au total de dix plans. A partir de la fin du Xème Plan, il fut transformé en service produisant des études prospectives.


Tableau 1
Tableau 1


On notera que seuls les trois premiers commissaires, Monnet, Hirsch et Massé sont restés plus de cinq ans en poste et ont pu marquer l’institution...

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