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Le déclin d’un monde

CRITIQUE. Après deux siècles d’universalisme triomphant, l’Europe contemporaine vit une période de basculement dont elle semble ne pas avoir bien pris conscience. Les rivalités du temps présent convergent vers une réalité : la fin de l’universalisme. Comment cela se traduit-il sur le plan géopolitique ? C’est le thème de l’ouvrage de Jean-Baptise Noé, rédacteur en chef de Conflits : Le Déclin d’un monde (éd. L’artilleur/Bernard Giovanangeli).

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À bien le regarder, le monde contemporain ressemble à une sorte de résurgence du 19e siècle, dans son émiettement et sa pluralité, mais avec la technologie et l’immédiateté inhérente à notre début de millénaire. Il est à la fois plus proche de l’unification qu’il ne l’a jamais été, et en même temps soumis à des secousses désagrégatives dont l’indigénisme, le rejet de l’Occident, le retour des cultures locales, etc. témoignent. « Ces deux phénomènes ne sont pas contradictoires », note Jean-Baptiste Noé.

Non, en effet. Et Régis Debray le premier l’avait bien vu en parlant de « postmodernité archaïque », un oxymore volontairement provocateur pour montrer que la mondialisation, en produisant de l’uniforme, produit un réflexe de différenciation. La postmodernité mondialisée crée un vide d’appartenance, si bien qu’en cas de crise de l’institution politique, ce sont les racines claniques et tribales qui ressurgissent pour former de nouveaux modèles d’identification. C’est sur cette base que Régis Debray, dès 1971, annonçait que la mondialisation néolibérale, en détricotant les États-nations, aboutirait à un néotribalisme : sous la nation, la tribu.

« Le réveil de l’indigénisme et des identités n’est pas une opposition à la mondialisation, mais l’une de ses conséquences : cela ne pourrait pas exister sans mondialisation. C’est la volonté de nombreux peuples et États d’accéder au développement technologique (la modernité), tout en rejetant l’occidentalisation (fin de l’universalisme). Il y a donc à la fois un double phénomène d’unification et d’émiettement. » Cet émiettement est le produit d’un désir mimétique culturel et d’un processus de fascination répulsion. Il faut imiter l’Occident dans sa puissance, mais contre ses valeurs.

Et si la guerre mondiale est éclatée – une « guerre mondiale par morceaux », selon l’expression du pape François – sur divers fronts géographiques, les fronts de la guerre sont toujours les mêmes : contrôle de la puissance (politique), contrôle de la...

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