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« L’heure des prédateurs » : Quand le chaos devient méthode

CONTRIBUTION / CRITIQUE. Dans L’heure des prédateurs (Gallimard), Giuliano da Empoli signe un récit lucide sur le retour d’un pouvoir brutal, machiavélien et spectaculaire — entre MBS, Poutine, Netanyahou et les seigneurs de la tech.

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Crédits illustration : ©Gallimard


Après Les ingénieurs du chaos (JC Lattès) et Le Mage du Kremlin (Gallimard), Giuliano da Empoli poursuit son exploration des arcanes du pouvoir contemporain avec L’heure des prédateurs (Gallimard).

Ce nouvel ouvrage, plus court et plus narratif, s’inscrit quelque part entre l’essai politique et le récit de terrain, comme s’il cherchait à capter l’esprit d’une époque à travers certaines des séquences les plus percutantes, issues d’événements marquants pour l’imaginaire collectif.

Le point de départ du livre : nous ne vivons plus dans un monde gouverné par le droit, mais dans un monde régi par la sidération. Le chaos n’est plus une menace, il devient une méthode.

Dans cette nouvelle ère, les « Borgiens » sont de retour — ces figures de pouvoir pour qui la violence n’est pas un accident, mais une stratégie. Le modèle n’est plus le fonctionnaire libéral, mais César Borgia. Et la première règle du jeu est énoncée dès les premières pages : comme dans Henry VI de Shakespeare, il faut « tuer tous les avocats » — autrement dit, anéantir le droit comme ultime rempart contre la brutalité politique.

Le livre est constitué d’une suite d’anecdotes machiavéliennes, racontées à la manière d’un scribe aztèque : l’auteur dresse l’inventaire d’un monde qui s’effondre, tout en montrant comment un autre, plus dur, plus ancien, reprend ses droits.

On y croise Mohammed ben Salmane, l’héritier saoudien qui transforme le Ritz-Carlton de Riyad en prison dorée pour 350 princes et milliardaires, leur extorquant des milliards pour financer ses projets. On y voit Poutine briser les tabous diplomatiques un à un, utilisant la guerre comme levier électoral et la peur comme instrument de discipline collective. Et l’on suit un épisode troublant où Netanyahou feint de se présenter à l’ONU… mais ne vient pas — une mise en scène pour endormir la vigilance de Nasrallah, quelques mois avant que...

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