Alexandre del Valle : « Dans les faits, aucun État n'est réellement du côté de l'Iran »
ENTRETIEN. Depuis l'attaque de sites nucléaires iraniens par Israël et la riposte de Téhéran, le risque d'un conflit de haute intensité au Moyen-Orient se rapproche dangereusement. L'escalade est-elle inévitable ? Panorama des enjeux, des forces en présence et des scénarios possibles avec le géopolitologue Alexandre del Valle.
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Front Populaire : Quelles sont les raisons stratégiques de l’attaque des sites nucléaires iraniens par Israël ? Dit autrement : pourquoi maintenant ?
Alexandre del Valle : Les opérations combinées du Mossad (via des minidrones sabotant des missiles sol-sol, ou SSM) et des raids aériens massifs témoignent d’une campagne soigneusement préparée depuis fin 2024 : Israël a exploité le moment où les défenses iraniennes étaient fragilisées, espérant une action « préventive » pour retarder ou perturber le programme nucléaire iranien. Ceci juste au moment de l’expiration de l’ultimatum de Donald Trump sur la signature d’un accord et au moment de la diffusion d’un rapport de l’AIEA, l'Agence internationale de l'énergie atomique, sur les capacités nucléaires militaires iraniennes.
Les frappes sur des sites comme Natanz, Isfahan et Arak visent à marquer la détermination israélienne sans forcément déclencher une guerre ouverte, du fait des distances et de la non-solidarité effectives des pays musulmans voisins. Puis à montrer qu’ils peuvent frapper lorsque les conditions sont favorables et les défenses de l’adversaire affaiblies, Israël profitant de l’incertitude politique et militaire régionale : les tensions sur Gaza, les divisions américaines – sur lesquelles je reviendrai –, la difficulté pour l’Iran de mobiliser des représailles efficaces, ont participé à forger un moment jugé propice pour agir. Par ailleurs, la chute de Bachar al Assad et la destruction des capacités des proxies iraniens que sont le Hamas et le Hezbollah ont permis l'ouverture d'une fenêtre de tir unique.
Front Populaire : Comment interprétez-vous la réplique de Téhéran ?
Alexandre del Valle : La réponse iranienne fut immédiate et considérable : plus de 370 missiles balistiques et drones ont visé diverses villes israéliennes ; des sites civils (comme l'hôpital Soroka à Beersheva) ont été touchés, causant victimes et panique. Cela reflète une volonté des Iraniens de montrer leur capacité de riposte, en réponse symbolique à l’atteinte de leur programme nucléaire. Une...