loi Gayssot

Loi Gayssot (2) : L’élaboration des vérités judiciaire et historique

OPINION. Cela fait 30 ans que la loi Gayssot a marqué un précédent. Dans cette deuxième partie d’article, Régis de Castelnau continue sa réflexion autour de cette loi historique en interrogeant le processus d’élaboration des vérités judiciaire et historique.

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I - L’élaboration de la vérité judiciaire

Depuis l’Antiquité, la justice pénale a été le moyen pour le souverain d’exercer la violence légitime et d’avoir le pouvoir sur les corps.

On ne reviendra pas ici sur l’histoire de la mise en place de la justice pénale dans les sociétés modernes à partir des principes du droit romain, pour sortir des mécanismes de justice privée issue des grandes invasions, encore présents dans les sociétés médiévales. Plaçons-nous sous l’éclairage de Rudolf von Jhering, juriste allemand, fondateur à la fin du XIXe siècle de l’école moderne sociologique et historique du droit. Selon Jhering, le droit n’est pas sa propre fin, il est le moyen d’atteindre un but qui est le maintien, la conservation et le développement de la société. Il insiste sur le caractère coercitif indispensable à l’existence du droit, en disant qu’une règle de droit sans contrainte, « c’est un feu qui ne brûle pas, c’est un flambeau qui n’éclaire pas ». Dans la mesure où l’État possédait par principe, mais aussi du fait de sa puissance, un énorme pouvoir sur les individus, il défendit le formalisme présent au sein de l’organisation et du fonctionnement de la justice. Le déroulement des procédures judiciaires repose sur un principe de défiance vis-à-vis du juge. Celui-ci est un homme avec ses faiblesses. Ce seront donc la collégialité, le double degré de juridiction, les mesures permettant de proscrire les éventuelles contradictions d’intérêts, qui permettront de pallier ce défaut. Protecteur des droits des justiciables, Jhering considérait ce formalisme comme un principe essentiel. « Ennemie jurée de l’arbitraire, la forme est la sœur jumelle de la liberté », disait sa célèbre formule. C’est cette forme qui acte les principes qui permettent le déroulement d’un débat contradictoire. Le juge afin que tous les points de vue puissent s’exprimer librement...