Mémoireloi Gayssot

Loi Gayssot (1) : négationnisme et perte de légitimité de l’autorité savante

OPINION. Cela fait 30 ans que la loi Gayssot a marqué un précédent. Dans ce texte en trois parties, Régis de Castelnau dresse le bilan d’une loi qu’il a originellement soutenue et tout en reconnaissant qu’elle n’a rien résolu. L’occasion d’une réflexion de fond sur les relations entre histoire, droit et vérité. Première partie.

/2021/03/Faurisson

La vérité historique n’a pas toujours bonne presse, les vérités juridique et judiciaire non plus. Ces faits peuvent être considérés comme les marqueurs d’une triple crise : crise de l’Histoire, crise de la Justice, mais aussi crise politique. L’analyse de la crise de l’Histoire est riche d’enseignement pour percevoir certaines dimensions de la crise de la justice, les mêmes causes produisant les mêmes effets. L’Histoire est un récit, mais elle n’est pas qu’un récit : elle est un « récit vrai », écrit Paul Veyne, et cela, bien entendu, change tout. Histoire et Justice visent tous deux au récit vrai. Mais le droit se distingue ici par l’étendue de son contenu normatif : il cerne lui-même les contours de la vérité qu’il recherche, et conditionne à la forme de cette recherche, l’élaboration du récit vrai : la vérité juridique et judiciaire, celle qui est recevable au regard de l’application des règles de droit.

Pourtant, l’espace des historiens est de plus en plus poreux aux catégories juridiques telles que l’irréfragable et le définitif, qui découlent, en droit, de l’autorité de la chose jugée. Dans les années 1970, une extrême droite aux prétentions métapolitiques s’est engagé dans une véritable guerre contre une vérité historique : la destruction des Juifs d’Europe. À l’heure où les thèses dites révisionnistes ou négationnistes connaissent une vulgarisation et une diffusion sans précédent, il n’est pas inutile de se souvenir que le « premier », Faurisson, employait volontiers les codes et le langage de l’histoire des mentalités. Non seulement Faurisson prétendait-il étudier les chambres à gaz, non point comme faits irréfragables, mais comme un mythe ayant circulé au sein de la masse des déportés, mais il le faisait au nom d’une méthode, baptisée « méthode hypercritique ». Cette « méthode hypercritique », comme son nom l’indique, postule que tout fait considéré comme acquis par la communauté des historiens peut, et doit...

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