Vous souvenez-vous ? Le 5 juin 2023, sur le plateau de C à vous, Bruno le Maire, menaçant, serrait les poings, bombait le torse : « Avant la fin du mois de juin, je publierai la liste de tous les industriels de l’agroalimentaire qui ont joué le jeu et la liste des industriels de l’agroalimentaire qui ont refusé de revenir à la table des négociations et qui n’ont pas voulu faire baisser les prix de détail alors que les prix de gros baissent ». Plusieurs semaines plus tard, pas l’ombre d’une liste. Pour de nombreux Français — un sur deux déclarerait sauter des repas – pas grand-chose non plus à se mettre sous la dent. Littéralement. En revanche, l’industrie agroalimentaire se frotte les mains : elle ne s’est jamais mieux portée qu’en ce temps de crise.

D’après Alternatives Economiques, il faut remonter à 1994 pour trouver des niveaux de profitabilité comparables à ceux que rencontre aujourd’hui l’industrie agroalimentaire. Leur taux de marge, c'est-à-dire la somme qui lui reste une fois les diverses charges payées, atteint désormais 48 % au premier et second trimestre de 2023. Ce qui est énorme. Et si les prix de l’industrie agroalimentaire ont progressé de 12,2 % entre les deuxièmes trimestres 2022 et 2023, c’est lié à plus de 50 % (6,7 %) à l’augmentation de sa marge.

Fausse inflation, vrais profiteurs de crise

Ces chiffres viennent mettre à mal la tentative de défense opérée en août par Jean-Philippe André, représentant des industriels de l’agroalimentaire (Ania). « Il faudrait être suicidaire ou complètement imbécile pour jouer sur l’inflation pour gérer les entreprises du secteur agroalimentaire », s’était offusqué le lobbyiste au micro de France Inter, alors que de plus en plus de voix se faisaient entendre pour interroger la nature même de l’inflation subie par les Français. En juin,...