Souveraineté numérique : le gouvernement ouvre une brèche aux Américains dans sa veille informationnelle
ARTICLE. Une start-up française chargée de faire de la veille informationnelle pour le gouvernement a été écartée d’un nouvel appel d’offres, au profit d’une entreprise canadienne sous capitaux américains. Il y a les grands discours sur la souveraineté numérique… et puis il y a les actes.
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« L’Europe a perdu son autonomie, elle a mis en danger sa capacité à produire et est devenue de plus en plus dépendante du reste du monde. Il faut innover beaucoup plus pour produire. » Coq rouge vif sur la poitrine de son costume bleu marine, Emmanuel Macron s’est mué en défenseur acharné de la souveraineté — certes, européenne — numérique, le 11 juin dernier, à l’ouverture du salon Vivatech à Paris. Mais derrière les discours grandiloquents, les actes posés par la Macronie sont tout autres.
En effet, quelques semaines à peine avant la grand-messe de l’innovation technologique, le SIG (Service d’Information du Gouvernement) a choisi d’évincer une start-up française au profit d’une entreprise canadienne sous capitaux américains, pour faire de la veille informationnelle. Une information dévoilée par La Lettre, mais passée totalement sous les radars médiatiques, qui pourrait avoir des conséquences stratégiques insoupçonnées.
Un choix incompréhensible
Pour les mesurer, il faut remonter quelques années en arrière. Après une première mission de veille en 2017 pour le compte du SIG, Visibrain, le seul spécialiste français de la veille informationnelle sur les réseaux et le Web, a décroché la première place d’un second juteux appel d’offres en avril 2021. Sur une dépense totale de 2,8 millions d’euros, Visibrain a obtenu un contrat d’1,7 millions d’euros, largement devant l’Irlandais NewsWhip (0,9 M€), et un certain Talkwalker (0,22 M€), une solution de « social listening » — veille des réseaux sociaux — à l’époque luxembourgeoise, mais rachetée depuis par le canadien Hootsuite… qui lui-même est détenu par des capitaux américains. Une telle somme dépensée pour entre autres surveiller la réputation du gouvernement, un an avant l’élection présidentielle, avait fait couler de l’encre.
Mais ce contrat, conclu pour un an et renouvelable quatre fois, est arrivé à échéance en mars dernier, déclenchant une nouvelle procédure d’appel...