Langage

À travers le sens des mots, renouons avec le débat

OPINION. En perdant le sens des mots, les citoyens se sont également fait confisquer un droit essentiel en démocratie : celui de débattre. Pour que le peuple souverain gouverne en vue du bien commun, il est donc urgent qu’il se réapproprie le langage.

/2021/02/Débat, citoyen, souveraineté, animal social

Il faut parler. Il faut même débattre. Dire que l’homme est « un animal politique », comme l’écrivait Aristote, c’est dire qu’il vit en société. Ce qui ne veut pas dire qu’il vit en groupe ni en troupeau. Un groupe d’hommes, c’est une foule ou une masse d’exécutants comme le montre Métropolis (ndlr : film de Fritz Lang, 1927). Un groupe, c’est une collection d’individus qui tient ses ordres ou ses slogans d’ailleurs et y obéit sans parler en son nom. Les individus sont interchangeables. Une société, ce sont des personnes réunies par des liens d’entraide. Les personnes sont différentes et concourent, chacune pour elle-même, à l’expression d’un bien commun et d’une volonté commune. Et parce que les personnes sont différentes et leurs volontés, leur réflexion, leurs compétences aussi, il faut se parler.

Le ciment, le moteur et la définition d’une société, c’est le langage, écrit Aristote. Parce qu’il faut discuter ensemble de « l’utile et du nuisible », faire les choix de l’économie, et discuter du « juste et de l’injuste », faire les choix de la politique. Faire les choix de la politique, pour une société, pour un État, c’est débattre des valeurs qui nous sont communes et du projet qui nous fera avancer ensemble. Et c’est bien au fondement de tout souverainisme. Un État est souverain quand c’est en son sein, et nulle part ailleurs, que l’on débat de ce qu’il veut vivre et faire vivre parce que ce sont ses valeurs et son projet, et ce en quoi il se reconnaît, donc son identité. Un État qui ne se construit pas par le débat de ses citoyens n’est plus souverain. Et un État qui n’est plus souverain n’est plus un État. Nos valeurs, ce que nous sommes et ce que nous voulons faire de nous, ne peut nous être imposé ni par l’Europe...