J’ai lu Victor Hugo, j’ai lu Albert Camus. C’est pour moi une évidence qu’il y a derrière l’abolition de la peine de mort, un beau combat, un panache, une verve en lesquels il est difficile de ne pas se reconnaître.

J’ai même eu le bonheur de lire René Girard, auteur remarquable dont la théorie de la violence mimétique, qu’il développe dans J’ai vu Satan tomber comme l’éclair, me semble aussi pertinente qu’elle est modeste. Nous autres, Occidentaux, sommes sensibles aux persécutions : un reste de chrétienté que nous ne connaissons pas toujours nous pousse à défendre Jésus le crucifié, Joseph le frère exilé, les victimes de l’Inquisition ou des camps nazis. Le phénomène injuste par lequel une communauté se défausse de ses souffrances et de ses malheurs sur le dos d’un bouc émissaire, puis l’immole en croyant se délivrer, l’absolue cécité dont elle peut faire preuve à propos de l’inutilité criminelle de ces meurtres, ressemble sous certains aspects à ce qui est infligé aux condamnés à mort dans le monde.

Combien d’innocents, ne pouvons-nous nous empêcher de penser, ont reçu le châtiment suprême lorsque d’autres temps prétendaient justifier leurs exécutions ? Combien de coupables, même, auraient pu se repentir et devenir meilleurs si au lieu de les tuer, nous les avions éduqués, nous leur avions accordé une nouvelle chance ? Une seule vie perdue eût-elle été tolérable ?

Voilà la question où notre glorieuse littérature nous conduit. J’affirme que peu de lettrés peuvent poser cette question raisonnablement, la plupart en effet craindront d’être ceux qui jetterait la première pierre. Et pourtant, un argument très simple est venu bouleverser ma perception du problème. Les événements récents se déroulant à Mayotte m’ont fait prendre conscience de l’immense proximité que cette question a avec nous.

La peine de mort est dans le monde une manifestation de...