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Avons-nous encore une Constitution ?

OPINION. De plus en plus accoutumée à vivre sous état d’urgence, notre société en proie à la peur de l’épidémie de Covid-19 laisse mourir l’État de droit dans l’indifférence quasi générale.

/2022/01/constitution


La fonction de décider des règles de vie en société, qui en démocratie appartient au peuple par la voie de ses représentants élus, est confisquée par un seul individu et les serviteurs qu’il s’est choisis. Le Parlement et le Conseil des ministres sont court-circuités. Les juges semblent paralysés. Notre destin collectif est confié à des personnes nommées discrétionnairement par le chef de l’État (conseil de défense sanitaire, conseil scientifique).

La population assiste, anesthésiée, à la disparition de tout contrôle sur le pouvoir présidentiel. Nombre d’intellectuels acquiescent, d’autres se réfugient dans un silence complaisant. L’esprit critique semble anéanti.

Comme s’il suffisait d’invoquer la nécessité, l’urgence et l’intérêt général pour s’emparer des pleins pouvoirs sans plus souffrir la discussion. Notre Constitution confère déjà des pouvoirs exorbitants au président de la République et au Gouvernement qu’il désigne. Le législateur ne dispose que de compétences spécifiques. Tout le reste est du ressort de l’exécutif. Ce dernier peut être à l’initiative des lois. Enfin, il peut demander à légiférer dans les matières en principe réservées au Parlement par voie d’ordonnance.

Ces dernières années, ces empiètements n’ont cessé de croître. Le droit produit par les instances européennes s’impose au droit national. De nombreux professeurs qui n’ont rien de dangereux anarchistes ont décrit notre système politique comme peu favorable à l’expression démocratique. Les Gilets jaunes ne disaient rien d’autre.

Ce n’était pourtant rien à côté de la situation actuelle. Nous vivons un temps kafkaïen. À l’état d’urgence terroriste (2015-2017) a succédé l’état d’urgence sanitaire depuis la loi du 23 mars 2020. Le législateur a donné au Conseil des ministres le pouvoir de suspendre par décret notre Constitution en cas de péril pour la santé de la population, sans même poser de véritable cadre. Ces mesures devaient devenir caduques le 1er avril 2021. Elles ont été prolongées une...

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