Boualem Sansal, l’Algérie et la liberté d’expression : un silence complice
CONTRIBUTION / OPINION. De la prison politique à la censure, Boualem Sansal incarne la lutte d’un homme face à un régime autoritaire. Au-delà de ses écrits, c’est un cri de résistance contre l’extinction de la liberté de penser, alors que la France semble s’accommoder du silence face à cette oppression grandissante.
« Il y a cinq pas d’un mur à l’autre, six de la porte au lit de camp ; et la fenêtre est bien trop haute pour voir ce qu’il y a dehors, à part ce carré de ciel sombre ». Écrite vers la fin des années soixante, cette première strophe de Tyrannie, extraite d’un des titres phares de Frédéric Reinhard Mey, considéré comme le Brassens allemand. Cette chanson, accompagnée à la guitare sèche, résume la souffrance, l’extrême solitude et l’isolement de tous les prisonniers politiques du monde, ceux trop hâtivement invisibilisés afin que, plus vite encore, « on » les fasse taire, et « on » les oublie.
Ceux abandonnés face à eux-mêmes, ceux mis au secret par ceux pour qui « la liberté d’expression n’est plus qu’une expression », en un lieu encore plus secret à cent lieues de toute humanité, ceux sciemment laissés seuls face à leurs seules pensées, seuls face au prégnant questionnement qui les taraude quant au vrai pourquoi de leur séquestration, puis, face à ce qu’ils peuvent nourrir de regrets, ou vomir de remords pour fuir cet entrelacs d’ostracisation et de silence.
Ceux, parmi les plus tenaces, combattus, souvent battus, parfois abattus, mais dressés encore et toujours ; ceux qui ont cessé de hurler de rage et de mutiler leurs mains en frappant sur la porte ; ceux vent debout toujours, concoctant avec foi et courage l’élaboration de leur éclatante revanche, quand le temps et les hommes, en lesquels ils veulent croire encore, voleront à leur secours pour les extirper de la fange des interrogatoires et des humiliations, des brimades et autres tortures, et ce quelles que furent ou seront la nature de leurs idées et de leurs convictions.
Je voudrais faire partie de ces secouristes, de ces libérateurs, justiciers, héros, en somme ! Mais qui suis je, moi, misérable petit contribuable...