Cendrillon à Sciences Po : quand le wokisme mène la danse
OPINION. Les déboires de Valérie, professeur de danse sanctionnée par la direction de Sciences Po Paris pour ne pas avoir accepté de substituer les mots désormais bannis « homme » et « femme » au profit des termes « leader » et « follower », illustrent l’impasse du wokisme.
Les couples infernaux sont en piste : masculin/féminin, conservatisme/progressisme, dominant/dominé. Valérie, prénom ambivalent, masculin/féminin, mais aussi Valérie comme valeur, mesure, comparaison… La distinction masculin/féminin a-t-elle encore une légitimité ? On sait depuis Aristote (La Politique) que les distinctions entre les êtres doivent être fondées sur un critère pertinent du point de vue social et qu’il peut s’avérer tout à fait injuste de traiter à l’identique des personnes placées dans des situations différentes. C’est la question centrale du rapport entre identité individuelle et norme sociale qui est en jeu. Jusqu’où la société a-t-elle le droit de dire qui je suis ? Jusqu’où puis-je exiger du groupe qu’il prenne en compte qui je suis ou qui je crois être ? C’est donc le drame de l’affrontement entre expérience intime de soi et regard social.
On entend ici par wokisme l’attitude idéologique consistant à refuser la distinction homme/femme, la jugeant discriminatoire et non respectueuse du ressenti de certaines personnes. Plus généralement, le progressisme dénonce les situations d’oppression des diverses minorités par la majorité, et la complicité du système culturel dominant, notamment juridique. Le wokisme prend donc à juste titre les mots très au sérieux. Il leur reconnaît un pouvoir éminemment politique. D’où une action qui s’exprime sous forme d’une réécriture de l’Histoire et des histoires.
La fable de Cendrillon illustre à merveille la mésaventure de Valérie à Sciences Po. Comme tous les mythes et légendes, elle offre une représentation de l’imaginaire collectif riche d’enseignements. Cendrillon est une jeune et belle orpheline maltraitée par sa belle-mère et ses demi-sœurs Javotte et Anastasie. Elle réussit par l’entremise d’une bonne fée à se procurer une robe pour se rendre au bal donné par un prince beau et riche. Ils dansent ensemble, et celui-ci tombe éperdument amoureux d’elle. Mais aux douze coups de minuit, le charme se rompt et...