De Lénine à Mélenchon, cent ans d'extrême gauche
CONTRIBUTION / OPINION. Pour notre lecteur, il existe une continuité à la fois intellectuelle et de méthode entre les révolutionnaires russes du siècle dernier et l'extrême gauche actuelle, qui partagerait ses aspirations totalitaires.
Le privilège est séculier : depuis l’internationale communiste, en 1919 (pour être plus précis, depuis le 3ème plénum élargi de l’Internationale, en 1923), une certaine gauche s’est arrogé le droit de pointer du doigt les fascistes, et de désigner qui parmi les partis politiques pouvaient faire partie du front uni contre l’extrême droite. Quiconque est accusé de faire partie de l’extrême droite devient de fait un ennemi à abattre, et gare aux alliés du front uni, auxquels cette gauche s’arroge le droit de décider à tout instant s’ils font partie du camp du bien ou de la honnie extrême droite. Cette certaine gauche, bruyante, intolérante, radicale, volontiers violente, est celle de la tradition léniniste.
Le père de la Révolution russe d’octobre fut le premier à théoriser la suprématie d’un seul parti, le communiste, pour mener la révolution prolétarienne ; suprématie qui passe donc par la mise au ban violente des autres forces à gauche, rivales (Trotski dira d’elles qu’elles sont vouées à garnir les poubelles de l’histoire), et par l’insurrection permanente (toujours violente) contre l’état bourgeois. Cette certaine gauche, donc, s’arroge le droit d’être la seule force à gauche de l’échiquier, contre le pouvoir bourgeois, et contre la menace de l’extrême droite ; le droit à être insurrectionnelle, violente au besoin, hors la loi, parce que l’état auquel elle s’oppose est une entrave insupportable à la grande révolution qu’elle entend mener. Il ne faut pas avoir peurs des mots : cette gauche est l’extrême gauche. Elle est extrême, puisqu’elle rejette les fondements de l’état nation (Lénine appelle à renverser par les armes l’État, dans L’état et la révolution, et Marx au dépassement des nations, dans le Manifeste du parti communiste, comme de la démocratie, par l’élimination systématique et violente des partis qui s’opposent à sa révolution prolétarienne. Il faut désigner cette gauche par...