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D’un musicien l’autre, de Céline à Beethoven

CONTRIBUTION / CRITIQUE. L'un est entré dans la postérité quand l'autre semble encore coincé dans les couloirs du tribunal mémoriel. Dans ce portrait croisé, le compositeur Yannick Gomez nous exhorte pourtant à « lire Beethoven et écouter Céline », deux artistes furieux aux nombreux points communs.

/2023/08/Celine-Beethoven


« Il est petit, brun, marqué de petite vérole […], des cheveux noirs, très longs, qu’il rejette en arrière […] ses vêtements sont déchirés, il a l’air complètement déguenillé. » Ah ! Ça, c’est Céline, pas de doute ! l’immonde faux clochard vêtu de ses fameuses hardes, guenilles en toc, tout l’attirail élimé d’esbroufe pour apitoyer le méchant monde lancé à ses pauvres trousses, se faire pardonner ses ignominies… Eh bien non ! pas du tout ! C’est de Beethoven qu’il s’agit, et c’est son amie Bettina Brentano (1785-1859), grande épistolière proche de Goethe et possible Immortelle Bien-Aimée, qui le dit. Les ressemblances entre les deux furieux artistes sont frappantes, quasi innombrables. Yannick Gomez, pianiste et compositeur de talent, nous en fait un tour d’horizon titanesque dans son D’un musicien l’autre, de Céline à Beethoven, essai paru dans l’excellente collection « Du côté de Céline » aux éditions de la Nouvelle Librairie.

« Ici nous n’avons plus de bon pain mangeable… Je suis trop faible pour vous répondre davantage. » Céline plaintif exilé au bord de sa Baltique danoise ? Du tout ! C’est Beethov’ ! (Lettre à Breitkopf et Härtel) « Mon écriture est peut-être souvent aussi mal comprise que moi-même », encore le même ! (Lettre à Zmeskall von Domanovecz) On pourrait enchaîner comme ça pendant des pages. Idéalisme intransigeant, inspirations bouillonnantes, crevages de plafond, transcendances, colères, surdité chez l’Allemand et acouphènes pour les deux, jusqu’au-boutisme, goût pour les femmes, mépris des contemporains, confiance en la pérennité de leurs œuvres, affranchissement des conventions et règles académiques, périodes de vache enragée, relations houleuses avec leurs éditeurs, avarices et passion pour les questions pécuniaires… de quoi remplir plusieurs volumes.

« Beethoven marche loin en avant de la civilisation de l’humanité entière… Puisse-t-il vivre jusqu’à ce que la puissante et sublime énigme contenue dans son esprit soit pleinement résolue. Je crois en un charme divin, élément...

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