C’est toujours un plaisir d’écouter les interventions d’Éric Zemmour à la télévision, surtout pour le prof d’argumentation et de rhétorique que je suis. À l’instar de Sandrine Rousseau, et même s’il vise une autre niche marketing, il répète, condense et manie avec une abnégation sidérante toutes les malhonnêtetés intellectuelles, tous les procédés rhétoriques publicitaires d’un Edward Bernays, tous les sophismes les plus abjects. À eux seuls, Rousseau et Zemmour auraient pu, par leurs saillies oratoires et écrites, gorger d’exemples la totalité des œuvres d’Aristote, de Schopenhauer ou de Chaïm Perelman consacrées à la mauvaise foi, à la manipulation et aux trucages du discours.

Éric Zemmour est moins original que Sandrine Rousseau, mais bénéficie d’une niche marketing plus large et d’un fonds de mesquineries plus ancien que celui de sa Némésis : quand — comme il vient de le faire dans une émission de LCI — on invoque une menace migratoire sur la civilisation européenne en invoquant le combat des moules-frites contre le kebab, on est sûr de faire comprendre un enjeu à bas prix tout en flagornant la niche de sa meute (ou la meute dans sa niche), heureuse et satisfaite d’apprendre que la civilisation européenne, ce n’est pas, pensez-vous, Arist-qui ? ou Schopenmachin, mais bien les moules-frites, plat national belge que l’on mange jusqu’au fond des Ardennes où, comme chacun le sait, l’on chasse les moules à courre tous les week-ends.

Jadis, Zemmour nous expliquait qu’il fallait arrêter l’immigration pour empêcher les Noirs et les Arabes de vendre de la drogue dans les banlieues, ce qui impliquait que tout immigré était forcément un Noir ou un Arabe ; que tout Noir ou Arabe était forcément un immigré et non pas un natif de France ; et qu’il existait un lien monocausal entre vendre de la drogue et avoir un certain taux...