La démocratie ensevelie (partie 1)
OPINION. En même temps que se dilue la souveraineté de la France, la démocratie disparaît au profit d’un agrégat de valeurs abstraites. Comment avons-nous perdu notre vitalité démocratique ?
La question de la démocratie, étroitement liée à celle de la souveraineté, prend aujourd’hui une place prépondérante dans le débat politique. Identifiée à juste titre comme source crédible d’une véritable puissance politique populaire, ce concept souffre pourtant d’une méconnaissance trouvant son explication tant dans un lourd déficit pédagogique organisé, que dans son ensevelissement sous des valeurs connexes ou présumées telles.
L’éternel questionnement politique « Que faire ? », déjà posé par Nikolaï Tchernychevski dans son roman de 1863 ayant inspiré jusqu’à Lénine, n’en finit plus d’imbiber le champ politique des oppositions. L’appui mou, la République, et le levier d’éther, le bulletin de vote, apparaissent lentement à un nombre croissant de citoyens comme les colonnes d’une organisation de dépossession du pouvoir à leur détriment. Le paradigme des luttes sociales et sociétales mute lentement, indéniablement, comme en témoigne le combat des Gilets jaunes, dont la grandeur réside bien dans le fait d’être passé de façon autonome, sans donc l’intermédiaire d’organisations syndicales, d’intellectuels ou de partis, d’une lutte horizontale à une lutte verticale. C’est-à-dire de revendications liées à la baisse du pouvoir d’achat, à l’exigence de l’instauration du référendum d’initiative citoyenne, le RIC, qui hérissait le Premier ministre d’alors, qu’il soit révocatoire, abrogatoire ou législatif.
Il est un autre événement, trop peu commenté et analysé, pourtant doté d’une immense charge symbolique qui illustre ce fait, à savoir les affrontements singuliers qui se sont déroulés durant les manifestations du 1er mai 2019 ou ceux, plus marquants encore, du 1er mai 2021. Loin des traditionnelles et stériles guérillas de faible intensité opposant forces de l’ordre et manifestants, du théâtre émerge parfois de la vérité. Les promenades sisyphéennes dans les beaux quartiers de la capitale, où l’on peut observer ad nauseam de jeunes bourgeois politisés et non productifs se battre contre des prolétaires en uniforme qui consentent à...